La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour ne pas avoir rapatrié “les filles et petits-enfants des requérants détenus dans des camps en Syrie” dans un arrêt rendu mercredi. La France viole l’article 3 § 2 du Protocole no. A lire aussi Ces ‘rapatriés’ djihadistes que la France rapatrie tranquillement Selon la Cour, les ressortissants français et leurs enfants ne bénéficient pas d’un droit général au rapatriement fondé sur le droit d’entrée sur le territoire national prévu par l’article précité. Toutefois, « le rejet d’une demande de retour sur le territoire national, soit parce que les autorités compétentes ont refusé de l’accorder, soit parce qu’elles ont tenté d’y donner suite sans succès, doit faire l’objet d’un examen individuel approprié par une instance compétente indépendante ». corps. contrôler sa légitimité ». Et en l’espèce, la Cour considère « que la situation des proches des requérants a révélé l’existence de circonstances exceptionnelles faisant naître l’obligation d’entourer le processus décisionnel de garanties appropriées contre l’arbitraire ». Après que les requérants ont été “privés de toute possibilité de contester effectivement les motifs avancés par ces autorités et de vérifier que ces refus ne reposaient sur aucun arbitraire”, la Cour “précise qu’il appartient au gouvernement français de poursuivre l’examen des requérants demande dans les plus brefs délais, en l’entourant de garanties appropriées contre l’arbitraire », conclut la décision. VOIR AUSSI – Rapatriement des familles jihadistes : “On ne s’attendait pas à aller de l’avant avec la décision de la CJUE”, répond Veran
Une longue affaire
Le tribunal était occupé par deux couples français qui avaient demandé en vain aux autorités françaises le rapatriement de leurs filles, deux jeunes compagnes djihadistes et leurs trois enfants. Les quatre requérants soutiennent que ce refus viole plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l’homme, un texte que la CEDH est chargée de faire respecter, notamment en exposant leurs filles et petits-enfants à des “traitements inhumains et dégradants”. Les deux femmes avaient quitté la France en 2014 et 2015 pour rejoindre la Syrie où elles ont donné naissance à deux enfants, l’un pour l’autre. Aujourd’hui âgés de 31 et 33 ans, ils sont détenus avec eux depuis début 2019 dans les camps d’Al-Hol et de Roj, dans le nord-est de la Syrie. Interrogé par l’AFP, le père de l’un d’entre eux, qui a souhaité rester anonyme, s’est dit “raisonnablement optimiste” quant à la condamnation de la France. “Nous attendons la reconnaissance de la loi. Qu’ils soient rapatriés et jugés (en France) pour ce qu’ils ont fait.” Si la Cour européenne des droits de l’homme ne condamne pas la France, “cela voudra dire (que Paris) a le droit de garder des enfants en zone de guerre (…) parce que leurs parents ont fait de mauvais choix”, estime Me Marie Dosé, l’une de la famille. Avocats. Il appelle à ne pas “faire sauter le dernier bastion qu’est l’enfant et l’innocence de l’enfant”. Lire aussi « Le rapatriement des jihadistes est la seule solution pour les neutraliser » La décision de la branche judiciaire du Conseil de l’Europe sera considérée bien au-delà de la France, car elle concerne aussi les centaines de citoyens européens actuellement détenus en Syrie. Sept États membres du Conseil (Norvège, Danemark, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Espagne et Suède) sont ainsi intervenus dans le processus. Cette décision “sort du contexte franco-français” et “marquera la jurisprudence de la Cour”, a estimé auprès du Défenseur des droits, le Médiateur français chargé de la défense des droits, notamment des droits de l’enfant. Autorité administrative indépendante, le Médiateur est intervenu dans la procédure devant la Cour EDH et avait déjà interpellé à plusieurs reprises le gouvernement français à ce sujet depuis 2019, estimant déjà qu’il ne tenait pas compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. En février, Paris a même été pointée du doigt par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, qui a estimé que la France “violait les droits des enfants français détenus en Syrie en ne les rapatriant pas”.
La doctrine du cas par cas
“La question centrale” de ce dossier est celle de la “compétence”, explique l’instance : la France exerce-t-elle sa compétence de manière extraterritoriale sur ces mères et leurs enfants en Syrie ? En tout cas, c’est la première fois que la CEDH se penchera sur cette question. En effet, de cette reconnaissance de compétence découle l’obligation de l’Etat de rapatrier ces enfants et leurs mères, souligne l’Avocat. Ailleurs en Europe, des pays comme l’Allemagne ou la Belgique ont déjà récupéré la plupart de leurs djihadistes. De son côté, au grand dam des familles et des ONG, Paris a longtemps privilégié la doctrine du « cas par cas » défendue devant la Cour EDH par son représentant. Lire aussi Rapatriement des épouses et des enfants de jihadistes : que risque la France devant la CEDH ? Mais début juillet, la France a ramené 35 mineurs et 16 mères, le premier rapatriement massif depuis la chute du “califat” de l’Etat islamique (EI) en 2019. Jusque-là, seuls quelques enfants avaient été ramenés. Les mères, toutes visées par des mandats de recherche ou des mandats d’arrêt français, ont été inculpées et incarcérées, les mineures confiées à la protection de l’enfance. Selon le coordinateur du service français de renseignement et de contre-terrorisme, Laurent Nunez, après cette opération, une centaine de femmes et près de 250 enfants français sont restés dans des camps en Syrie. “Chaque fois que nous le pourrons, nous procéderons à des opérations de rapatriement”, avait-il déclaré à l’AFP mi-juillet. VOIR AUSSI – Rapatriement des enfants jihadistes : une menace ?