Si nous ne pouvons pas déterminer sa portée par la science, les arts de la scène pourraient-ils nous permettre de voir plus grand ? Cet article raconte l’histoire du projet ecH₂osystem, où, à travers les arts du cirque, je cherche à mettre en scène la complexité de ce qui nous relie à l’écosystème du Saint-Laurent, à travers les sons de ceux qui travaillent dans ses eaux. Cet article fait partie de la série The St. Laurent en profondeur Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique d’une beauté remarquable. Nos experts examinent sa faune, sa flore, son histoire et les défis auxquels elle est confrontée. Cette série vous est présentée par La Conversation. ecH2osystem est un documentaire de recherche marine. Sa démarche est à l’origine de mon doctorat en étude et pratique des arts à l’UQAM et de divers projets savants et artistiques qui allient mes vingt dernières années dans les arts de la scène et ma fascination de longue date pour le monde maritime. La recherche-création se caractérise par un double objectif : la production d’une œuvre et la production de connaissances liées au phénomène de la création d’œuvres. éch2osystem mobilise les savoirs, facilite l’interdisciplinarité, associe les arts et les sciences, et interpelle les arts comme mode de savoir à partir d’un écosystème dont nous faisons partie. A partir de ces réflexions, en 2020, je propose cette idée de recherche-création nautique dans le sens où ce sont les eaux qui animent le moteur de la création, par opposition à un projet qui s’enracinerait dans un concept, un texte, une esthétique, une performance ou une performance.
Changement de direction
En 2017, j’ai quitté ma carrière de créateur et de tour du monde pour me concentrer sur Saint-Laurent. Échantillonnage de la glace de mer sur le brise-glace de la Garde côtière canadienne NGCC Amundsen. (Geneviève Dupéré), Fourni par l’auteur Deux facteurs sont à l’origine de cette décision. En 2016, après Luzia du Cirque du Soleil, je me suis éclipsé des théâtres pendant quelques semaines pour traverser le canal de Panama vers l’Équateur en tant que membre d’équipage sur un bateau. Un jour d’escale, l’équipe scientifique de Gorgoni m’invite sur place. Je nage vers l’île quand deux jets jaillissent. Surpris par deux baleines, sans gilet de sauvetage, j’ai failli me noyer. Cette leçon d’immensité m’accompagne depuis lors. Le deuxième élément est lié au projet de première étape marine sur lequel j’ai travaillé. Avudo est un projet d’envergure de la Compagnia Finzi Pasca qui a marqué les célébrations du 375e anniversaire de Montréal. Directrice du contenu artistique et historique, trois années de recherche ont été nécessaires pour arrimer le brief aux couleurs de la marine. Tout au long de ce processus, la perspective historique du fleuve m’interpelle. Qu’en est-il de Saint-Laurent aujourd’hui ?
Des milliers de souvenirs
Entre 2017 et 2022, je me suis mis à explorer du fleuve à la baie, avec divers navires de pêche, navires de recherche, vraquiers, ferries, remorqueurs, bateaux, barges, et même sur un tracteur qui se dirigeait vers la partie terre. les limites extrêmes de la marée haute et basse, qui s’appelle le rivage. Cinq années de recherche m’ont permis de rencontrer plus de 300 collaborateurs issus des sciences marines et d’eau douce, de la pêche et de l’industrie maritime et portuaire. Ces partenaires proviennent de divers groupes de recherche, ministères, corporations, Premières Nations, administrations portuaires, instituts, réseaux, municipalités ou traditions familiales. Ils sont de toutes les générations, des professeurs émérites aux étudiants formés à la fine pointe de la technologie. Ils contribuent au fil rouge de l’histoire par la transmission de leurs savoirs et de leur expérience, ainsi que par les liens tissés tout au long du parcours. Des milliers de souvenirs s’accumulent. Le O d’échH2osysteme est un dispositif acrobatique aquatique innovant. (Geneviève Dupéré), Fourni par l’auteur J’enregistre en temps réel ces expériences qui croisent les connaissances nautiques, scientifiques et halieutiques. Sous le son d’une trame sonore composée des voix des collaborateurs entendus sur place, les manœuvres acrobatiques transportent les spectateurs vers un port, un laboratoire, un navire ou, par exemple, en pleine mission scientifique hivernale du Réseau Québec Maritime , sur la brise – les glaces du NGCC Amundsen, au moment même où les océanographes découvrent une (rare) larve de flétan dans leur filet de prélèvement.
O by éch2osysteme, un nouvel appareil
Pour manœuvrer du fleuve à la scène sur un horizon soutenable, j’imagine un navire de mer acrobatique. En tant que chercheur au Centre de Recherche, d’Innovation et de Transport en Arts du Cirque (CRITAC), j’ai conçu le O d’ecH2osystem en 2018. Le O est une roue de quatre mètres de diamètre qui est grutée sur le pont d’un navire, un quai ou les rives du Saint-Laurent dans les petites et les grandes municipalités. Les eaux en arrière-plan deviennent le cœur du récit en temps réel. En 2020, l’implantation d’O réunit une équipe de recherche intersectorielle et des partenaires tels que le Réseau Maritime du Québec, Doorspec, Multi-Électronique et le chantier naval Groupe Océan où est construit cet appareil unique. Des essais à O à l’été 2022 lancent une nouvelle phase du projet, soutenu entre autres par le CALQ, le CAC et le programme d’innovation du CRSNG. L’implantation d’O réunit une équipe de recherche intersectorielle et des partenaires, dont le CRITAC, le Réseau maritime du Québec, Doorspec, Multi-Électronique (MTE) et le Groupe Océan. (Geneviève Dupéré), Fourni par l’auteur Cette nouvelle phase permet une série d’ateliers où les scientifiques deviennent co-chorégraphes, les pêcheurs co-réalisateurs, les marins co-dramaturges.
Du fleuve au spectateur et du spectateur au fleuve
ecH2osystem n’explique pas la disproportion de l’écosystème de St. Laurent. Il cherche à la mettre en scène en transférant le savoir-faire de ses acteurs. Si vous soulevez O au sommet d’une grue, l’acrobate devient minuscule. A 20 mètres de haut, la colonne d’eau devient vertigineuse. Instinctivement, nous retenons notre souffle. Si le vent se lève, la sensation augmente, même si l’acrobate est sur un harnais et que toutes les précautions de sécurité sont prises par l’équipage O. Basés sur les théories du documentaire contemporain et les écrits du cinéaste Peter Brook, les arts de la scène ont cette capacité à croiser la réalité et à transcender les mots, les données ou la représentation. En 1989, le cinéaste Pierre Perrault cherchait un cadeau dans le fleuve. « Est-ce que ça existe même ? Les arts deviennent une lentille qui nous permet de réduire la vie à une échelle compréhensible. Cinq années de recherche m’ont permis de rencontrer plus de 300 collaborateurs issus des sciences marines et d’eau douce, de la pêche et de l’industrie maritime et portuaire. (Geneviève Dupéré), Fourni par l’auteur Les premières semaines de mes explorations acrobatiques en mer à Sept-Îles, Pointe-aux-Trembles, Rimouski et Rivière-au-Renard révèlent des résultats préliminaires prometteurs. À l’été 2023, cette exploration se poursuivra dans différentes municipalités riveraines, afin que l’an prochain je puisse coordonner les scènes en collaboration avec les partenaires. Cette éventuelle première représentation s’adressera ensuite au grand public, tentant de refléter le Saint-Laurent à plus grande échelle. Cherchant à mettre en évidence les liens entre le fleuve et le spectateur et entre le spectateur et le fleuve, écH2osystem s’intéresse à la façon dont la recherche-faire nous invite à représenter nos liens à un écosystème « dans lequel nous vivons, non pas en tant que spectateurs, mais en tant que participants. Les eaux du Saint-Laurent abritent de minuscules crevettes, qui sont englouties par les plus grands géants de la planète. Ils coulent de la fonte des glaciers dans les robinets de millions d’entre nous. Dans les décennies à venir, ces connaissances transporteront l’écosystème à travers les courants des Grands Lacs à l’Arctique jusqu’à la scène, où les spectateurs font partie du théâtre de cet écosystème.