Les excédents de profits des énergéticiens que l’Europe s’apprête à taxer rapporteront plus de 140 milliards d’euros, qui pourront être reversés aux États membres pour aider les entreprises et les ménages en difficulté et financer des investissements verts. C’est l’un des messages forts lancés mercredi par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de son discours sur l’état de l’Union européenne au Parlement européen à Strasbourg. L’exécutif bruxellois veut réparer l’injustice créée par ce qu’il qualifie de “loyer injustifié” des énergéticiens profitant de la crise et de la hausse des prix qui l’accompagne. Des mesures avaient été promises pour limiter la hausse des prix de l’énergie pour les entreprises et les ménages européens. “Il est difficile d’accepter que certains profitent de la guerre et fassent de gros profits sur le dos des consommateurs”, a justifié Ursula von der Leyen. La Commission prévoit de limiter le revenu des producteurs d’électricité renouvelable, nucléaire et biomasse à 180 € par mégawattheure d’ici le 31 mars 2023. Et de taxer les excédents de profits des entreprises du secteur des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon, raffinage) jusqu’à 33 % en 2022. Ces mesures d’urgence et temporaires, qui ont été convenues à Bruxelles, doivent être approuvées lors d’une réunion des ministres européens de l’énergie le 30 septembre.

“Quelques bénéfices de guerre”

Dans le détail, le plafond de revenus des compagnies d’électricité rapporterait 117 milliards, selon les premières estimations, tandis que la taxe sur les compagnies pétrolières rapporterait beaucoup moins, 25 milliards. Cela représenterait au total 1% du PIB de l’Union, estiment les analystes de Citi. Un montant important, mais bien inférieur à ce que les États membres ont déjà dépensé pour lutter contre l’inflation énergétique, soit au total près de 3 % du PIB des Vingt-Sept. Comparés au coût de la facture énergétique, estimé à 800 milliards, ces “recouvrements de bénéfices”, comme le disent de hauts responsables bruxellois, peuvent sembler bien maigres. Mais “du budget, le déblocage immédiat d’une capacité d’intervention publique de 140 milliards n’est franchement pas négligeable”, assure une source de la Commission européenne. La question suivante à débattre est celle de la répartition équitable de cette « manne » entre les Vingt-Sept, certains produisant plus d’électricité que d’autres. La mesure pourrait donc profiter à certains membres plus qu’à d’autres.

Réduire la consommation

“Nous avons besoin d’un accord de solidarité entre les États membres pour une répartition équitable des revenus. La redistribution devrait aller davantage vers les pays où nous payons le plus pour l’électricité”, a déclaré Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, aux journalistes. « Un fonds commun pourrait être créé et la redistribution se ferait selon les besoins des pays. Mais rien n’est encore décidé”, souligne un haut responsable. Pour réduire la facture d’électricité, les États membres devront également réduire leur consommation, avec un objectif général de 10 %, volontaire et un autre de 5 %, obligatoire aux heures de pointe. Chacun aura le choix de définir comment y parvenir. Alors que les énergéticiens sont confrontés à des problèmes de liquidités, la Commission promet de modifier le cadre des aides d’État en octobre pour permettre des garanties publiques et éviter un scénario Lehman Brothers.

“Quand tout le monde est plus zen…”

Quant à la question très controversée d’un plafonnement des prix du gaz naturel russe importé, elle est toujours sur la table, mais reportée. “Il y a encore des États membres qui doivent remplir leurs stocks, donc nous devons attendre quelques semaines où tout le monde est plus détendu avant de traiter à nouveau cette question”, souligne une source de la Commission. La menace de Vladimir Poutine de couper le gaz naturel dans toute l’Europe si une telle mesure venait à être révélée (ce qui entraînerait sans aucun doute de nouvelles hausses de prix) est révélatrice. Parallèlement, les Vingt-Sept travaillent toujours à la réforme du marché de l’électricité. L’idée est de découpler les prix de l’électricité des prix du gaz pour briser la spirale inflationniste. Une tâche complexe qui n’est donc réalisable qu’à long terme.