Priorité oblige : les députés l’ont interrogé en direct sur l’approvisionnement en électricité des ménages et des entreprises cet hiver. Le PDG d’EDF s’est voulu rassurant. A écouter Jean-Bernard Lévy, la production d’électricité devra s’avérer suffisante. “L’objectif est d’avoir à peu près la même production d’électricité que l’hiver dernier, quand ça allait bien. Chaque Français avait l’électricité dont il avait besoin”, a expliqué celui qui s’apprête à quitter son poste, qu’il occupe depuis 2015, une fois que l’Etat aura décidé du choix de son successeur. La solution à la crise énergétique réside notamment dans le bon fonctionnement du parc nucléaire français, aujourd’hui plombé par la faible disponibilité des réacteurs. Jean-Bernard Lévy et les hauts dirigeants d’EDF qui étaient à ses côtés au Palais Bourbon se sont montrés rassurants. A ce jour, 30 réacteurs sont en fonctionnement (dont 27 sont déjà raccordés au réseau électrique, 3 autres sont disponibles à tout moment) et 25 sont fermés. Parmi ces 25 réacteurs arrêtés, des arrêts forcés étaient prévus pour des travaux de maintenance dits « gros carénages ».

25 réacteurs inactifs doivent être redémarrés d’ici février

Problème : ce bilan décennal prend beaucoup plus de temps que le durcissement de la réglementation après l’accident de Fukushima en 2011. Or, dans le même temps, EDF fait face à une pénurie de main-d’œuvre « due à des départs massifs à la retraite et donc à une perte de compétences et d’expérience qui ils rendent la maintenance “beaucoup plus longue” selon Cédric Lewandowski, directeur général du groupe EDF en charge du nucléaire. A cette tâche planifiée de longue date s’ajoute une difficulté inattendue : dix réacteurs sont touchés par un phénomène de corrosion qui fragilise leurs tuyauteries. Cinq autres sont en cours d’investigation pour la même suspicion de corrosion. Jean-Bernard Lévy vante cependant une nouvelle technique de réparation des microfissures par ondes, qui évite l’intervention directe dans les canalisations et le blocage prolongé de l’espace. A court terme, Cédric Lewandowski confirme que dans les prochaines semaines les 25 réacteurs arrêtés reprendront du service. Selon le calendrier fixé par EDF, cinq réacteurs redémarreront en septembre, cinq en octobre, sept en novembre, trois en décembre, trois en janvier et deux en février. Il n’y aura pas de “vacances permanentes (au sens de ‘intempestif’) cet hiver”, a insisté Jean-Bernard Lévy. “Ces circonstances exceptionnelles nécessitent une action urgente mais aussi une perspective à long terme”, a-t-il poursuivi. Le cerveau du renouveau du nucléaire français a reconnu qu’il fallait prendre au sérieux les difficultés industrielles rencontrées par EDF pour assurer une maintenance rapide et efficace de ses centrales. Le dirigeant a déploré à plusieurs reprises le manque de compétences non seulement chez EDF mais aussi – et surtout – chez ses sous-traitants, dans les métiers techniques de soudeur, chaudronnier ou encore tuyauteur. Et surtout les tergiversations politiques autour du nucléaire dans les années 2010. « Après Fukushima, beaucoup ont parlé d’un hiver nucléaire. Nous avons gagné en visibilité (pour l’avenir du secteur) très récemment”, a-t-il regretté, saluant le virage pris par le président de la République.

La nécessité d’un “Plan Marshall” nucléaire

« Le discours de Belfort (d’Emmanuel Macron) en février 2022 a clairement fixé le cadre du développement du nucléaire à moyen et long terme. Nous pouvons poursuivre le développement de la filière, avec l’université des métiers du nucléaire, le projet Excel fin 2019. Nous avons lancé une école de soudure dans le Cotentin”, a reconnu Jean-Bernard Lévy, infatigable défenseur du nucléaire. Cet été, l’exécutif a décidé de renationaliser totalement EDF pour lui donner carte blanche dans la gestion du programme nucléaire. Tout en saluant le programme de renaissance du nucléaire dévoilé par Emmanuel Macron en février après avoir critiqué le regard élyséen qui a longtemps appelé à la chute du régime nucléaire, Jean-Bernard Lévy exhorte désormais le gouvernement et les pouvoirs à aller plus loin que le simple « discours ». est de démarrer concrètement les six EPR de deuxième génération que le président de la République a promis à la fin de son premier mandat. “Il nous faut les textes, les autorisations pour démarrer les chantiers. Il faut un “plan Marshall” pour relancer la construction de l’EPR. Le terme me semble justifié pour avoir les moyens « d’être à la hauteur de l’ambition de l’Elysée, a plaidé le PDG d’EDF dans sa dernière allocution devant les députés. Une façon de les inciter à faire passer des lois qui facilitent l’installation de nouveaux réacteurs à travers l’État. Hier mardi, devant cette commission des affaires économiques de l’Assemblée, la ministre de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher a précisément évoqué un projet de loi “probablement début 2023 (…) qui introduira des dispositions permettant de gagner du temps de procédure pour le démarrage du nucléaire”. installations.