Les résultats de l’audit surviennent alors que le nombre d’anciens combattants demandant le remboursement de leur cannabis médical a monté en flèche ces dernières années, passant d’environ 100 en 2014 à plus de 18 000 l’année dernière. Et nous ne semblons pas voir une tendance à la baisse à l’horizon. En conséquence, le ministère des Anciens Combattants a dépensé plus de 150 millions de dollars en marijuana médicale l’année dernière, plus que tous les autres médicaments sur ordonnance combinés. Ce poste budgétaire devrait atteindre 200 millions cette année et 300 millions d’ici 2025-2026. Mais même si la demande a augmenté de façon exponentielle, les auteurs de la revue ont constaté un manque persistant de recherche sur les avantages thérapeutiques – et les risques – associés au cannabis pour les anciens combattants, en particulier ceux souffrant de traumatismes psychologiques. L’audit souligne également un manque d’orientation et de surveillance concernant l’admissibilité des anciens combattants à la marijuana médicale, les critères selon lesquels le médicament est prescrit et la manière dont les anciens combattants obtiennent une ordonnance. Le ministère a pris des mesures pour que sa politique fonctionne afin de donner aux anciens combattants l’accès au remboursement des soins, indique le rapport. Cependant, des lacunes importantes subsistent dans les contrôles internes liés à la santé des vétérans et à la gestion des programmes.
Explosion des sinistres
Le ministère des Anciens Combattants a commencé à rembourser certains anciens combattants pour leur cannabis médical en 2008, lorsque les approbations ont été accordées sur une base extrêmement limitée et avec l’approbation d’un médecin spécialiste. Cette décision fait suite à une série de décisions de justice rendues il y a plus de 20 ans qui, pour la première fois, offraient une protection juridique contre les poursuites pénales pour usage médical de la marijuana. Puis, en 2014, Santé Canada a assoupli ses règles pour déterminer qui pouvait approuver l’utilisation de la marijuana à des fins médicales et dans quelles conditions et circonstances. Les nouvelles règles n’imposaient aucune limite à la quantité de marijuana autorisée ou au coût. Ce changement a entraîné une explosion des réclamations et des dépenses, malgré la décision du gouvernement libéral en 2016 de limiter les réclamations à trois grammes par jour, à un taux fixe de 8,50 $ le gramme. Le ministère peut également rembourser, par exception, jusqu’à 10 grammes par jour lorsqu’un ancien combattant répond à des exigences supplémentaires. Les auteurs du rapport d’examen soulignent que selon les recherches disponibles, qui sont encore limitées, les gens devraient consommer moins de trois grammes de cannabis par jour et faire un suivi régulier avec leur professionnel de la santé. Santé Canada et le Collège des médecins de famille du Canada ont également mis en garde contre les effets potentiellement nocifs de la consommation de marijuana sur les personnes souffrant de troubles mentaux, en particulier le trouble de stress post-traumatique. Cependant, le rapport d’audit indique qu’Anciens Combattants Canada n’a fourni aucune orientation ni restriction sur les types de problèmes de santé admissibles au remboursement de la marijuana à des fins médicales.
Contre-indications
Presque toutes les conditions médicales sont éligibles au programme, y compris le SSPT. Cependant, la grande majorité des vétérans qui ont été remboursés pour leur cannabis médical avaient des problèmes de santé mentale. [en particulier l’état de stress post-traumatique]. Cependant, ces conditions psychologiques sont considérées comme des contre-indications par des organismes de santé tels que le Collège des médecins de famille du Canada et Santé Canada, affirment les auteurs du rapport. Au cours de la même période, près de 80 % des licences impliquaient trois grammes de cannabis ou plus par jour, tandis que les lettres d’autorisation spécialisées de nombreux anciens combattants contenaient très peu de preuves à l’appui d’une relation étroite médecin-patient. Les recommandations de suivi étaient vagues, les experts utilisant des formulations telles que : suivi dans six mois ou selon les besoins cliniques, selon le rapport. Un peu plus de la moitié des lettres examinées dans le cadre de la vérification ne comportaient aucune mention de suivi. De plus, environ un tiers des dossiers examinés ne comportaient aucune trace indiquant quel fournisseur de soins de santé avait effectivement autorisé l’ancien combattant à recevoir du cannabis médical. Et de nombreux fichiers manquaient.
Des professionnels généreux
Dans l’un des constats les plus troublants du rapport d’audit, on lit que 11 professionnels de la santé ont délivré des licences à près de 40% des vétérans qui ont réclamé le remboursement du cannabis médical, soit plus de 6 000. Ces professionnels de la santé ont approuvé à eux seuls près de 1 300 de ces demandes et trois autres ont délivré entre 700 et 830 licences. Plus précisément, l’équipe de vérification a constaté qu’un petit nombre de médecins autorisaient un très grand nombre d’anciens combattants à utiliser [au cannabis à des fins médicales]ce qui soulève des questions sur la rigueur de la surveillance en cours, selon le rapport. Comme lignes directrices pour l’autorisation […] sont limités, il existe un risque que certains professionnels de la santé prescrivent excessivement ce traitement au cannabis.
Une poignée de fonctionnaires
Malgré ces drapeaux rouges, ainsi que le risque pour les anciens combattants et les contribuables, les auteurs du rapport notent que la grande majorité des demandes sont approuvées, le ministère se concentrant sur l’accessibilité du programme plutôt que sur la surveillance et le contrôle. Nous notons que 45 anciens combattants dont l’état de santé était répertorié comme un trouble lié à la toxicomanie ont reçu une indemnisation. De plus, 46 anciens combattants ont été remboursés pour de grandes quantités de cannabis (7 à 10 grammes par jour), tout en recevant également le remboursement de médicaments appartenant à chacune des quatre classes de médicaments à haut risque : antidépresseurs, antipsychotiques, benzodiazépines et opioïdes. Les auteurs du rapport rappellent que ce programme est géré par une petite équipe de 3,5 employés [équivalents temps plein]avec le soutien de l’équipe des professionnels de la santé du Ministère. En réponse à ce rapport d’audit, les responsables d’Anciens Combattants Canada disent envisager divers changements aux critères d’admissibilité au remboursement, ainsi que des limites sur le montant quotidien pouvant être approuvé et les types de produits. Le ministère envisage également un nouveau formulaire d’autorisation plus détaillé et des garanties supplémentaires requises pour ceux qui demandent plus de trois grammes par jour. On ne sait pas quand ces changements pourraient avoir lieu.