À 83 ans, Yvon Chouinard, un Américain d’origine québécoise, explique qu’il « n’a jamais voulu être entrepreneur ». Et encore moins milliardaire. “Une option était de vendre Patagonia et de donner tout l’argent. Mais nous ne pouvions pas être sûrs qu’un nouveau propriétaire préserverait notre entreprise et nos valeurs », a-t-il écrit. L’autre était une introduction en bourse, “ce qui serait un désastre”. “Même avec les meilleures intentions du monde, les sociétés cotées sont sous pression pour faire des profits à court terme au détriment de la vitalité et de la responsabilité à long terme”, explique celui qui aspire à “réinventer le capitalisme”.

Soutenu par ses enfants

Chouinard a donc demandé à ses avocats de faire preuve de créativité. En fin de compte, il a transféré les actions avec droit de vote à une fiducie supervisée par des membres de la famille et des conseillers. L’entité sera chargée de veiller à ce que Patagonia respecte ses engagements. Toutes les actions restantes (98%) ont été léguées à une ONG nouvellement créée, qui collectera les bénéfices annuels de l’entreprise. A ce titre, Patagonia reste une entreprise à but lucratif, mais “chaque année, l’argent que nous gagnerons après avoir réinvesti dans l’entreprise sera distribué sous forme de dividende pour lutter contre la crise (climatique)”, précise l’administrateur. Contrairement aux dons caritatifs de plusieurs milliardaires, il ne s’agit pas d’une optimisation fiscale : la famille Chouinard paiera même 17,5 millions de dollars d’impôts sur les actions qui seront transférées à la fiducie. Le patriarche précise que ses deux enfants de quarante ans, qui n’hériteront pas de l’entreprise familiale, le soutiennent à 100%.

Un patron informel

Alpiniste chevronné, Yvon Chouinard a fait ses débuts dans les années 1960 en fabriquant ses propres pitons d’escalade puis en les revendant, passant son temps à escalader les faces vertigineuses du Yosemite californien. À l’époque, il dormait dans sa voiture et mangeait de la nourriture pour chat en conserve, raconte-t-il dans sa biographie. Il a commencé à importer des maillots de rugby puis a confectionné des vêtements de sport et de montagne avec Patagonia en 1973. Mais la laine a un gros problème : elle devient lourde et froide avec l’humidité. C’est alors qu’il est tombé sur un tapis de toilette en acrylique. Il le transforme quelques années plus tard. La veste polaire est née. Alors que Patagonia triple son chiffre d’affaires en quelques années, Yvon Chouinard fait face à un dilemme : il est devenu acteur de cette consommation galopante qui épuise la planète. En 1985, elle s’est engagée à consacrer 1 % de son chiffre d’affaires à l’environnement. Elle est ensuite passée au coton biologique, cultivé sans pesticides et polyester recyclé au début des années 1990. Vendredi 2011, l’entreprise boycotte le programme publicitaire de Facebook à partir de juin 2020. Les choix militants sont salués par les clients et cités en exemple dans de nombreuses entreprises. écoles. Aujourd’hui, Yvon Chouinard n’est plus milliardaire. Presque un soulagement pour quelqu’un qui conduit une vieille Subaru et qui n’a ni ordinateur ni smartphone.