Gérald Quatrehomme était le directeur de l’institut médico-légal (IML) de Nice lorsque l’attentat du 14 juillet 2016 est survenu. Le 15 au matin, sa morgue était devenue « une scène de guerre », dont il a gardé « une vision qu’on ne peut pas retirer de son esprit » : « Tous ces linceuls noirs alignés… C’est une scène qui paraît irréelle. » Mercredi 14 septembre, ce médecin légiste à la retraite est venu expliquer à la cour d’assises spécialement composée de Paris comment ses services s’étaient adaptés pour accueillir, examiner, identifier, réparer et rendre aux familles les corps mutilés arrivés dans son IML, qui n’avait pas été conçu pour abriter 84 cadavres d’un coup – deux autres victimes sont mortes quelques jours plus tard. « Presque tous les espaces réfrigérés de la morgue étaient déjà occupés, se souvient-il. Il a fallu commander des espaces supplémentaires, qui ont été installés sur le parking de la fac de médecine. » Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « A1, deux corps sans vie, A3, dix corps…  » : au procès de l’attentat de Nice, la description pudique et méthodique des premières constatations policières
Dix personnes travaillaient habituellement à l’IML. « Nous étions maintenant une centaine », dont 25 médecins légistes venus de toute la France, des secrétaires volontaires pour dactylographier les rapports médico-légaux – « certaines n’avaient jamais vu de corps décédés ou abîmés, et ont dû être remplacées au bout de quelques heures, complètement traumatisées » –, ou des étudiants en médecine ayant accepté un « rôle ingrat » : nettoyer les salles d’examen des cadavres, et brancarder ceux-ci jusque dans les frigos.

Identifier les corps, déterminer les causes du décès, et les « restaurer »

Il a fallu « organiser cet immense chaos », afin de pouvoir respecter le calendrier fixé par le procureur de Paris de l’époque, François Molins : les défunts devaient être rendus à leurs proches au plus tard le 19 juillet. Moins de cinq jours pour identifier les corps, déterminer les causes du décès, et les « restaurer » – difficulté majeure – avant de les présenter aux familles. « La majorité des corps était abîmée, certains sévèrement, se souvient Gérald Quatrehomme. Pour certains défunts, il était malheureusement impossible d’obtenir une restauration du visage et des mains satisfaisante. » Il fut donc décidé que la présentation se ferait derrière une vitre. « Avec un certain éclairage, une certaine distance et un certain angle de présentation, il nous a été possible de présenter certains corps très abîmés. » On perçoit une rare pointe d’émotion dans la voix du témoin, par ailleurs clinique dans sa déposition. « Il y a eu des cas difficiles. Je me souviens d’une maman qui ne reconnaissait pas son enfant lorsqu’elle s’est recueillie. » Il vous reste 49.23% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.