Curieusement, alors que la partie russe rapporte ces détails de la rencontre entre les deux dirigeants, la partie chinoise ne le fait pas. Pire encore, Poutine a parlé lors d’une conférence de presse d’une Chine unie, apportant ainsi un soutien chaleureux aux objectifs de Pékin pour Taïwan. Mais Xi n’a même pas mentionné l’Ukraine. Le gouvernement chinois semble disposé à approfondir les liens économiques avec la Russie, mais il est peu probable qu’il soit influencé par une aide qui pourrait justifier des sanctions américaines et européennes contre la Chine. Et encore moins pour intervenir dans la guerre en Ukraine. On est loin de “l’amitié illimitée” dont se vantaient Poutine et Xi lors de leur précédente rencontre. Les problèmes de Poutine Le premier problème de Poutine est qu’il projette une image de perdant et que personne ne veut être associé à un perdant. Son deuxième problème est qu’il rencontre des problèmes en Russie même. Il doit tenter de contenir la rébellion des élus municipaux, les militaires exprimant leur mécontentement et une partie de la population, notamment la jeunesse, qui craint d’être enrôlé de force dans une guerre meurtrière et injuste. Xi ne veut pas que son autorité soit remise en cause par une relation trop forte avec Poutine. Dans le passé, Mao Zedong a été confronté à ce genre de problème lorsque Staline est mort et que des rapports russes anti-staliniens ont été rendus publics. En réalité, le soutien de Xi n’est pas très contraignant. Il dit que la Chine est prête à “soutenir les intérêts fondamentaux de la Russie”. Mais l’Ukraine fait-elle partie de ces intérêts ? Cela n’est pas évident dans les déclarations de Xi. Épouvantail absurde du monde unipolaire Poutine a également déclaré vouloir éviter la création d’un monde unipolaire dominé par l’Occident. Belle formule de propagande. En fait, il n’y a pas eu de monde unipolaire depuis longtemps. En parité de pouvoir d’achat, la Chine est la première puissance économique mondiale. Les États-Unis ne représentent plus que 15 % de l’économie mondiale, contre environ 30 % dans les années 1950. De même, une coalition sino-russe pourrait vaincre les États-Unis en Asie de l’Est. Les intérêts des États-Unis et de leurs alliés ne coïncident pas toujours. De plus, que Poutine le veuille ou non, la Russie fait bel et bien partie de l’Occident, historiquement et culturellement. La véritable polarisation à laquelle Poutine fait référence, et qu’il se garde de nommer, est celle entre démocraties et dictatures. Cependant, le camp démocrate ne comprend pas seulement les pays occidentaux. Le Japon et la Corée du Sud en font partie, tout comme Taïwan. Au total, une cinquantaine d’Etats peuvent être qualifiés de démocraties. Et c’est vrai, grâce à Poutine, entre autres, le camp démocrate s’est renforcé.