Les vrais petits dormeurs, c’est-à-dire ceux dotés d’une génétique leur permettant de bien récupérer après seulement quelques heures de sommeil, sont très peu nombreux. «Ils ne représentent qu’une petite fraction des personnes qui se disent myopes», explique Andrée-Ann Baril, stagiaire postdoctorale en neurologie et épidémiologie du sommeil au Centre de recherche Douglas et à l’Université McGill. Des études ont en effet montré que certaines personnes qui fonctionnent très bien avec quatre à cinq heures de sommeil par nuit sont porteuses de mutations dans certains gènes impliqués dans la régulation du sommeil. L’une de ces mutations, qui avait été identifiée dans une cinquantaine de familles de petits dormeurs, a été transplantée chez la souris. Cependant, « chez ces souris génétiquement modifiées qui avaient tendance à moins dormir, les centres cérébraux responsables de l’éveil sont devenus plus activés. Nous pensons donc que c’est l’une des raisons pour lesquelles certaines personnes dorment moins et sont plus résistantes à la privation de sommeil », explique Nadia Gosselin, directrice scientifique du Centre d’études avancées en médecine du sommeil. “Il est possible que les personnes ayant une prédisposition génétique à dormir moins dorment plus efficacement, elles ont donc besoin de moins d’heures de sommeil. Par conséquent, ils ne seraient pas à risque de développer des maladies liées au manque de sommeil », précise Mme Baril. “La majorité des gens qui dorment un peu ne sont pas comme ça cependant. Ils dorment souvent peu à cause de leurs habitudes de travail, par exemple. Même s’ils n’ont pas l’impression que cela affecte leur fonctionnalité, si nous les testons cognitivement, nous verrons une diminution des performances. Mais parce qu’ils sont habitués à fonctionner comme ça, ils pensent qu’ils ont raison. Cependant, cela ne signifie pas qu’ils fonctionnent à leur plein potentiel et qu’ils ne risquent pas de souffrir de certaines maladies”, prévient le chercheur.

Le danger du peu de sommeil

Nous savons que la majorité des risques surviennent lorsque nous dormons en moyenne six heures ou moins par nuit. Cependant, on ne sait pas combien d’années de privation de sommeil ce risque commence à se manifester, précise-t-il. De nombreuses études ont en effet montré que le manque de sommeil chronique augmentait le risque de souffrir de diverses pathologies, telles que l’obésité, le diabète, l’hypertension, les maladies cardiaques, la dépression et la démence, dont la maladie d’Alzheimer. Comment la privation de sommeil prédispose-t-elle à ces maladies ? Le sommeil est connu pour jouer un rôle dans la régulation hormonale. Le manque de sommeil peut entraîner une diminution de la sécrétion de leptine, l’hormone de la satiété, et une augmentation de la ghréline, l’hormone de la faim. Les personnes victimes d’un tel déséquilibre hormonal auront plus faim dans la journée et rechercheront des aliments plus caloriques, facteurs qui contribueront au développement de l’obésité. « Si vous voulez perdre du poids, il est important de bien dormir, car ne pas dormir rendra l’atteinte plus difficile », souligne Mme Gosselin. Des études ont également montré une résistance à l’insuline chez les personnes souffrant de sommeil court et chez les personnes souffrant d’insomnie. “Cependant, cette résistance à l’insuline est le stade initial du diabète de type 2, qui peut aussi être une conséquence de l’obésité”, précise Mme Baril. La recherche a également révélé un niveau d’inflammation légèrement supérieur à la normale chez les personnes atteintes de certains troubles du sommeil. “Si nous raccourcissons la durée du sommeil, nous compromettons la régulation optimale du système immunitaire, entraînant l’activation de l’inflammation. Or, l’inflammation des vaisseaux sanguins va créer de l’athérosclérose, ce qui va favoriser le développement de l’hypertension, qui va contribuer aux maladies coronariennes”, explique le scientifique. De plus, pendant le sommeil, la tension artérielle diminue naturellement, surtout pendant les phases de sommeil profond. “Cependant, les personnes qui ne dorment pas assez ou qui ont un sommeil fragmenté n’ont pas cette diminution de la tension artérielle, et le fait que celle-ci reste élevée plus longtemps pendant les 24 heures de la journée serait nocif pour le sang. navires. dans le sang et les prédispose à l’hypertension et aux maladies cardiovasculaires », explique Mme Baril. Le manque de sommeil peut aussi perturber la régulation du système nerveux autonome, qui peut alors se retrouver dans un état de suractivation, ce qui entraînera une augmentation de la tension artérielle pouvant endommager les vaisseaux sanguins et par conséquent une hypertension avec des conséquences cardiaques, précise-t-on. .

Stress et émotions

Le sommeil nous permet aussi de mieux gérer nos émotions. Il régule la communication entre l’amygdale, le centre de gestion des émotions dans le cerveau, et le cortex préfrontal, qui est notamment responsable des fonctions exécutives et a un effet inhibiteur sur l’amygdale. Selon des études de neuroimagerie, “l’inhibition exercée par le cortex préfrontal ne serait pas aussi efficace quand on ne dort pas assez, ce qui permettrait à l’amygdale de parler un peu plus librement et donc entraînerait des états émotionnels moins contrôlés, de l’irritabilité et éventuellement de la dépression”. , explique Andrée-Ann Baril. De courtes nuits de sommeil peuvent également compromettre la régulation de l’axe reliant l’hypothalamus, l’hypophyse et les glandes surrénales, ce qui interfère avec la gestion du stress et de son hormone, le cortisol. Chez les personnes dont la durée de sommeil est courte, il y aurait une activation de cet axe qui provoquerait un état de vigilance et une anxiété plus élevée pouvant conduire à un état dépressif, ajoute le chercheur.

La question d’Alzheimer

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer le rôle possible de la privation de sommeil dans l’apparition de la maladie d’Alzheimer. Le premier est lié au rôle essentiel du sommeil dans la consolidation de la mémoire. Selon la seconde, l’état pro-inflammatoire causé par le manque de sommeil pourrait contribuer à la « neuro-inflammation que l’on voit dans la maladie d’Alzheimer », souligne Mme Baril. Et le troisième vient de la découverte de l’activité de nettoyage accrue que le système lymphatique effectue dans le cerveau pendant le sommeil. Comme ce nettoyage élimine notamment les protéines tau et bêta-amyloïde, dont l’accumulation provoque la maladie d’Alzheimer, on pense qu’un sommeil insuffisant limiterait l’élimination de ces déchets métaboliques toxiques, qui endommageront le cerveau en s’accumulant. “Le nombre optimal d’heures de sommeil pour maintenir sa santé est d’environ sept heures par nuit pour la majorité des adultes”, rappelle Mme Gosselin.

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