Le même jour, Fabien Roussel enfonce pourtant le clou et précise sa pensée sur TF1 : “Je veux en finir avec un système qui, aujourd’hui, alimente le chômage par les allocations chômage (…) Il faut permettre à chacun vivre de son propre travail, car c’est un travail qui restitue la dignité ». Le chef communiste a-t-il raison de rejeter la responsabilité du système d’assurance-chômage sur la situation de l’emploi? J’espère que nous pourrons garantir aux Français, aux générations futures, une vie de travail et un salaire décent, pas une vie de chômage. #JT13H #fetedelhuma pic.twitter.com/N2ayfnPczq — Fabien Roussel (@Fabien_Roussel) 10 septembre 2022 Fabien Roussel reprend une idée de droite selon laquelle l’assurance-chômage peut favoriser le chômage en encourageant une forme de fraude à la recherche d’emploi. Un “aléa moral”, explique Bruno Coquet, expert du marché du travail lié à l’OFCE. Au lieu d’accepter un poste proposé par Pôle emploi mais “conforme à ses compétences” et “aux exigences salariales”, un chômeur pourrait, selon cette idée, être tenté de refuser afin de continuer à percevoir ses allocations sans travailler. “La France est probablement un pays où il y a peu d’aléa moral”, rassure Bruno Coquet. Selon Eric Heyer, directeur de l’analyse et de la prospective à l’OFCE, environ 8% des chômeurs ne jouent pas le jeu. Et selon une note de Pôle emploi publiée en 2018, la fraude, toutes causes confondues, ne représentait que 0 . 5 % du montant total versé en allocations chômage en 2016. “La grande majorité des chômeurs veulent travailler”, rappelle Cathel Kornig, sociologue et membre associée du Laboratoire d’économie et de sociologie du travail (Lest). “Ils cherchent du travail, ils n’en veulent pas [juste] ils ne fonctionnent pas à n’importe quel prix.” L’assurance-chômage est également critiquée “car elle allongerait la durée du chômage”, poursuit Bruno Coquet. Mais il est [précisément] l’objectif donné par les économistes [ce système] : ils permettent à un chômeur de maintenir sa consommation jusqu’à ce qu’il trouve un emploi en fonction de ses compétences, répond l’expert. Un homme de 50 ans qui travaillait pour Airbus et qui perd son emploi ne prendra pas un emploi dans une brasserie demain matin. » Une telle reconversion non planifiée entraînerait une perte de compétences et d’investissement dans la formation. Il apparaît également que le niveau des allocations n’a qu’un “faible” impact sur la durée du chômage, selon un article de la Revue d’économie politique paru en 2006. En France, “un allongement d’un mois de la durée des droits n’entraînera qu’une prolongation de quatre ou cinq jours “d’inactivité”, confirme Bruno Coquet. Une fourchette qui correspond à la moyenne observée à l’étranger, selon une étude de l’Annual Review of Economics, une revue académique américaine. L’effet négatif de l’assurance-chômage sur l’emploi est encore réduit puisque seuls 40% des chômeurs sont indemnisés, “c’est-à-dire moins d’un sur deux”, rappelle Cathel Kornig. Après la fin de leurs droits, ou après qu’ils n’ont pas travaillé suffisamment d’heures, la majorité des chômeurs n’ont pas droit à une indemnisation. Et parmi les allocataires, “la moitié travaille en activité réduite : ce sont des demandeurs d’emploi qui vont rester inscrits à Pôle emploi, travailler trois mois et retourner au chômage”. En revanche, une réduction drastique des bénéfices entraînerait des conséquences néfastes, prévient Laura Khoury, chercheuse à la Norwegian School of Economics de Bergen, en Norvège. “Si les travailleurs sont motivés à chercher du travail à tout prix et à passer à des emplois qui ne correspondent pas à leurs qualifications ou sont de moindre qualité, cela créera potentiellement des emplois à faible productivité, ce qui sera préjudiciable à l’économie.” Laura Khoury, économiste chez franceinfo “Il y a 2,3 millions de chômeurs [d’après l’Insee] et 355 000 postes vacants au deuxième trimestre [selon la Dares]», rappelle Clément Brébion, chercheur au Centre d’études de l’emploi et du travail-Cnam. Ainsi, « si vous réduisez les allocations de chômage uniquement dans le but d’inciter les chômeurs à chercher du travail et que le nombre de postes vacants est, de toute façon, Limitée, cela conduira à “une légère baisse du taux de chômage et une plus grande vulnérabilité des chômeurs qui ne trouveront pas en raison de l’absence d’offres d’emploi”, explique le chercheur. Interrogé par franceinfo, le porte-parole du PCF Ian Brossat a précisé la pensée de Fabien Roussel : “Le système est très défavorable aux travailleurs. Nous disons que l’ambition de la gauche ne doit pas seulement être de traiter socialement le chômage. C’est l’élimination du chômage.” Le 12 septembre, sur Sud Radio, l’ancien candidat à la présidentielle considérait également que “les gouvernements de droite (…) ont nui au travail en créant une société avec beaucoup de CDD, de précarité”, en créant “une armée de chômeurs, comme Karl dit Marx, ce qui permet d’exercer des pressions sur les ouvriers”. Sur ce dernier point, le secrétaire national du PCF rejoint les conclusions d’une note publiée en 2015 par le Conseil d’analyse économique (CAE). Il écrit que les caractéristiques de l’assurance-chômage “favorisent la croissance des emplois précaires”, alors que les entreprises ne sont pas incitées “à prendre en compte les coûts qu’elles font peser sur les factures d’assurance-chômage alors qu’elles ont souvent recours à des contrats très courts”. Ian Brossat tient également à rappeler que le PCF est “évidemment contre la baisse des allocations chômage”, tout en précisant que le “système [des allocations] destiné à être transitoire », le parti qui souhaite « se battre pour une société sans chômage ». Dans une tribune publiée le 13 septembre dans Le Monde, Fabien Roussel assure qu’il se tiendra aux côtés des travailleurs « pour dénoncer toutes les attaques gouvernementales à leur encontre » , comme la “réforme de l’assurance-chômage” menée par l’exécutif.