Pour l’un des participants à cette réunion, la position d’Emmanuel Macron est claire : “Il estime qu’attendre n’est pas une bonne option.” Mais le président a pris soin, au cours de cette réunion de plus de deux heures, de détailler les détails et le calendrier d’une telle réforme. Au cours des cinq années précédentes, ce dernier avait provoqué des bouleversements sociaux et politiques, qui avaient contraint Edouard Philippe à tirer 49,3. La réforme avait finalement été abandonnée sur l’autel de l’épidémie de Covid-19. Cette fois, cela ne passera peut-être pas par un compte spécifique. Lors d’une rencontre avec la presse lundi soir, Emmanuel Macron n’a pas exclu que la question soit inscrite dans le projet de loi sur la sécurité sociale (PLFSS), qui sera présenté le 26 septembre en conseil des ministres. Cette décision « appartiendra » cependant au gouvernement, a précisé le chef de l’Etat, car, en ce qui concerne la méthode, « les choses n’ont pas d’importance ». Mais en coulisses, certains croient déceler un parti pris dans les propos du président. “Sa construction argumentative me porte à croire qu’il penche pour l’intégration de la réforme dans le prochain PLFSS”, confie un député de la majorité. Cette idée est loin d’être nouvelle. Cependant, rien n’a été officiellement décidé à ce stade. Tant dans la forme que dans le fond. Faut-il utiliser le « véhicule » PLFSS plutôt qu’un texte spécifique ? Par amendement ou dans le projet de loi? Changer l’âge de départ ? Prolongation de la période de cotisation ? Si Emmanuel Macron avait promis, pendant la campagne électorale, de repousser l’âge légal de la retraite à 65 ans, accompagné d’une augmentation du minimum de retraite à 1.100 euros pour une carrière complète, le président s’était alors dit prêt à “bouger” les détails lors de la durée l’intervalle entre les rounds. L’ambiguïté des intentions du président suffit à faire sensation chez Macroni. Mardi, lors du traditionnel petit-déjeuner de la majorité à Matignon, Elisabeth Borne a pu constater que les troupes n’avançaient pas unies au combat. “On a discuté de la méthode, du fait de faire passer la réforme dans le PLFSS”, raconte un participant à franceinfo. Côté LREM, la cheffe de file des députés, Aurore Bergé, et le patron des sénateurs, François Patriat, sont favorables à cette option. Ils sont rejoints par le MoDem Jean-Paul Mattéi. Mais autour de la table les premières voix discordantes se font entendre. Laurent Marcangelli, président du groupe Horizons, appelle au “dialogue avec les Français”. La présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, appelle à la prudence et s’inquiète de voir le nouveau Conseil national pour la reconstruction (CNR) torpillé par une telle initiative. « Elle n’aimait pas trop cette idée, résume une participante. Le chef du gouvernement mesure un peu plus la difficulté de trouver un consensus avec la réception des présidents des partis mercredi. L’ancien premier ministre Edouard Philippe, patron d’Horizons, fait preuve de retenue et de réserve, et le “marcheur” Stanislas Guérini s’exprime. Mais surtout, c’est le voltigeur centre François Bairro qui monte au créneau. “L’engagement du président lors de son élection était qu’il n’y aurait plus de passages forcés et qu’on allait construire une méthode qui permettrait à toutes les forces vives du pays de réfléchir ensemble avant de décider”, explique le g.c. à franceinfo. le CNR. Nous avons créé le CNR il y a huit jours et nous annonçons que nous ferons le contraire de ce que nous avons dit ce jour-là. Pour moi, il ne peut pas jouer.” Le président du Modem veut permettre au CNR de “trouver un moyen” de réformer le système des retraites. “Je ne pense pas qu’on puisse gouverner un pays à 49.3 sans utiliser le nouveau mode de concertation annoncé par le président de la République.” François Bayrou chez franceinfo La division des états-majors touche l’entière majorité. “Personnellement, je crois que la réforme du système des retraites devra attendre et qu’il faudra dialoguer en amont”, confie un député LREM à franceinfo. Frédéric Valletoux, représentant du mouvement Horizons, ne veut pas la réforme “avec la ruse” et appelle franceinfo à “l’explication, la pédagogie”, car “l’accélération sans explication, ça ne peut pas marcher”. La réticence d’une partie de la majorité a le don de déranger les tenants de l’action. “Notre électorat nous demande d’agir. Si nous avons peur du chemin et des fins, nous sommes ‘néerlandais’. Et le président a tiré les leçons du quinquennat Hollande”, a déclaré un jeune député LREM. « La concertation ne sert plus à rien, tout est sur la table… Soit on avance et on fait les réformes, soit on attend et ce n’est jamais le bon moment, un poids lourd de la majorité juge. Il y a des gens dont les réticences conduisent à l’impuissance .” Pour les réformateurs intrépides de la majorité, il faut engager les réformes dès le début de la législature pour éviter l’impasse. On a vu dans les cinq premières années qu’après la première année ça se compliquait avec les “gilets jaunes”, prévient un député. La nervosité dans les rangs de Macron témoigne en tout cas de la ligne de tête à laquelle Emmanuel Macron fait face pour faire passer sa réforme. “La situation est aussi compliquée que le système de retraite d’aujourd’hui, s’inquiète un ministre. Il faut trouver un moyen de faire passer ce truc, parce que ça commence à se détraquer. Mais je suis déchiré, parce qu’une accélération, tu es va attaquer les syndicats et que c’est à l’opposé de la stratégie du président qui est de discuter de tout avec tout le monde par le biais du CNR. » Le chef de l’Etat est ici confronté au premier grand dilemme de son second quinquennat.