Publié à 14h27  Mis à jour à 15h56.
                Philippe Teisceira-Lessard La Presse             

C’est au moins le troisième enfant du Nunavik à mourir de cette façon au cours de la dernière décennie. « Un enfant de deux ans a été attaqué par un chien à Quaqtaq et est malheureusement décédé des suites de ses blessures », a indiqué Jean-François Morin du Service de police du Nunavik (SPN), la police locale, par courriel. “L’incident s’est produit le 14 septembre vers 16h30.” M. Morin n’a pas voulu préciser de quel type de chien il s’agissait ni s’il avait un propriétaire. “L’affaire fait l’objet d’une enquête par notre unité d’enquête conjointe et aucun autre détail ne sera divulgué par respect pour la famille”, a-t-il ajouté. La Sûreté du Québec (SQ) dit avoir confié le dossier à son unité d’enquête sur les crimes majeurs. « L’enfant a été transporté au CLSC où, malheureusement, il a été déclaré mort », a déclaré l’agente Nancy Fournier. “L’interrogatoire sera mené conformément à la loi de l’enquêteur. Le dossier sera soumis à la DPCP pour analyse. » Quaqtaq est un petit village d’environ 400 habitants, à très forte majorité inuit. Comme les 13 autres villages de la région, il n’est accessible que par avion. Le maire de Quaqtaq n’a pas immédiatement appelé La Presse.

Troisième mort en 10 ans

La petite victime de mercredi est au moins le troisième enfant du Nunavik à mourir entre les griffes d’un chien au cours des 10 dernières années. En 2019, un bébé d’un an a été retrouvé mort, avec des marques de morsures d’animaux sur le corps et près d’une meute de chiens de traîneau, dans le village de Kangiqsujuaq. “Tout le monde est en état de choc”, a déclaré Qiallak Nappaaluk, le maire du village. “Les parents disent aux enfants de ne pas s’approcher des chiens pour faire attention aux chiens. » Le rapport du coroner sur ce décès n’est toujours pas disponible, plus de trois ans après les faits. En 2014, une fillette de 4 ans a été tuée par un chien à Puvirnituq. “C’était ma princesse”, a déclaré sa mère, Mary Uqaituk, au Nunatsiaq News local à l’époque. “Il a beaucoup parlé. Elle était si intelligente. […] Elle était tout pour moi. Elle était drôle et m’a fait rire. Elle m’était si précieuse. » Le rapport du coroner sur la mort conclut que la jeune fille aurait jeté des pierres sur un “chien féroce” attaché entre deux villageoises peu avant l’attaque. “Rien ne laisse présager la possibilité d’un acte criminel dans cette affaire”, a jugé le coroner Jean-Marc Picard. Il ne fait pas de recommandations précises. Francis Lévesque est professeur d’anthropologie à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Au cours des dernières années, il a dirigé un projet de recherche sur la relation entre les chiens et les Inuits. Selon lui, le coût prohibitif de la nourriture pour chiens et le manque de soins vétérinaires dans le Grand Nord favorisent la présence d’un grand nombre de chiens libres et non castrés ou blessés. « Dans la culture inuit, il y a aussi un désir pour les chiens d’être autonomes. On l’entend encore”, a-t-il dit. « Les chiens doivent apprendre à prendre soin d’eux-mêmes, à se nourrir, à côtoyer les êtres humains et vous ne pouvez pas faire cela en les laissant attachés. Mais cela comporte des risques. » Selon les dernières données disponibles de Statistique Canada, le taux de mortalité chez les enfants inuits au Canada est environ cinq fois plus élevé que celui des enfants en général.