“Je regardais les comptes des influenceurs sur Instagram et je voulais leur ressembler. Je voulais aussi un sac Louis Vuitton, des lunettes de soleil Gucci et une montre Rolex. Je rêvais d’être riche, mais je n’avais aucun plan pour y arriver et pas un sou en banque.
Ces mots sont ceux de Mélina Roberge, qui fait confiance au livre Sans filtre, en librairie depuis cette semaine et co-écrit avec la journaliste du Journal de Montréal Claudia Berthiaume.
Mélina Roberge ne s’en cache pas dans sa story “Moi” : l’influence des réseaux sociaux et son désir de projeter une image de luxe et de high life l’ont amenée à une série de mauvaises décisions qui l’ont amenée derrière les barreaux.
En entrevue, Mélina Roberge estime avoir vécu une histoire de “luxe perdu” jusqu’à son arrestation en 2016, qui à l’époque faisait le tour de la planète.
Plus précisément, en surface, le fan des médias sociaux a accepté d’embarquer, tous frais payés, sur le Sea Princess, un bateau de croisière qui vogue vers plus d’une douzaine de destinations paradisiaques.
Photo gracieuseté de Mélina Roberge
Lors de sa croisière, Mélina Roberge a posé avec 3 co-détenues, Isabelle Lagacé dans des lieux paradisiaques.
TOUT SUR INSTAGRAM
Et bien qu’il sache que derrière ce voyage se cachait un important trafic de cocaïne dans lequel il devait inévitablement jouer un rôle, il décida de s’y associer. Un petit prix – pensait-elle à l’époque – pour remplir son profil Instagram de photos plus attirantes les unes que les autres.
“Ma vie consistait juste à bien paraître. Dans le passé, même si je n’avais pas d’argent, je choisissais d’aller me faire faire une manucure plutôt que de payer ma colocataire qui m’avait avancé de l’argent. C’était des choses tellement stupides que je ne ferais pas aujourd’hui”, a-t-elle confié dans une interview.
Photo gracieuseté de Mélina Roberge
Avant son arrestation, la jeune femme menait la belle vie, payant même pour escorter des gens à une fête, comme lors de cet enterrement de vie de jeune fille décrit dans le livre.
Avec plein de détails colorés et une touche d’humour dans leur photo, les deux auteurs emmènent le lecteur au cœur du parcours de Mélina Roberge, de son arrestation et de ses cinq années dans différentes prisons en Australie.
Avec son histoire, la Québécoise de 29 ans veut partager ce qu’elle a vécu dans l’espoir d’inspirer les autres à réfléchir avant de s’engager sur une pente glissante.
L’expérience, dit-elle, a remis en question ses priorités, elle qui ne rêvait ni plus ni moins que du fond de sa cellule, coupant des légumes avec sa mère.
« Je vois des amis qui se plaignent de certaines choses parfois sans gravité. Je veux [leur] prête moi mes lunettes J’ai eu une pause et c’était une bonne pause », dit-il.
Photo gracieuseté de Mélina Roberge
La famille de l’ex-détenu l’attendait avec des fleurs à l’aéroport le 30 mai 2021.
NON DÉSOLÉ
La jeune femme dit ne rechercher ni la pitié ni la rédemption, se présentant de manière obscène à plusieurs reprises dans le livre.
Et elle le dit à qui veut l’entendre : elle est seule responsable de son long séjour en prison. C’est par souci de transparence qu’elle aborde le contexte derrière ses mauvaises décisions.
Cependant, certains détails restent flous après la lecture du livre : Comment Mélina Roberge a-t-elle été proposée pour se joindre à l’opération de trafic de drogue ? Comment la drogue s’est-elle retrouvée sur le bateau ? Qui sont les personnes derrière l’intrigue ?
A ces questions, l’ex-détenue s’est abstenue de donner des réponses pour des raisons de sécurité : elle affirme que certaines informations pourraient mettre en danger sa vie ou celle de ses proches.
Les auteurs ont ainsi choisi de rester flous sur certains points, notamment en donnant des noms d’emprunt aux acteurs importants du complot criminel pour en faciliter la lecture. Par exemple, deux d’entre eux s’appellent “Banquier” et “Bijoutier”.
« C’était un moyen plus facile de les identifier, un instantané. Le joaillier adorait les bijoux et lui avait offert une montre”, résume Claudia Berthiaume, incapable d’en dire plus.
Photo gracieuseté de Mélina Roberge
Mélina Roberge tient un chiot avec d’autres détenues dans son uniforme vert forêt, à Berrima, un peu plus d’un an avant la fin de sa peine. Un employé de la bibliothèque avait reçu l’autorisation d’amener une portée de chiots dans la prison.
COMBATTRE SES DÉMONS
Tour à tour, le livre de 240 pages traite de la jeunesse de Mélina Roberge, du divorce de ses parents à son adolescence en surpoids qui l’a laissée avec des troubles alimentaires et un important manque de confiance en elle.
Elle combat encore ses démons aujourd’hui, dit-elle.
« Il y a tellement de gens qui ont le même problème et nous ne le savons pas. C’est pourquoi j’ai voulu toucher à de nombreux aspects de ma vie et surmonter qui m’a proposé quoi, quand, comment dans le livre”, raconte la jeune femme de 29 ans.
Maintenant, l’ex-détenu veut passer à autre chose pour pouvoir avancer dans la vie au-delà du crime pour lequel il a payé.
Pour autant, elle ne ferme pas la porte aux conférences dans les écoles pour réitérer son message dissuasif.
Photo gracieuseté de Mélina Roberge
La jeune femme souffrait tantôt de surpoids et tantôt d’anorexie à l’adolescence, à tel point qu’elle présentait des troubles alimentaires et des problèmes de confiance en soi.
Photo gracieuseté de Mélina Roberge
La jeune femme souffrait tantôt de surpoids et tantôt d’anorexie à l’adolescence, à tel point qu’elle présentait des troubles alimentaires et des problèmes de confiance en soi.
Écoutez l’entrevue de Mélina Roberge dans l’émission Sophie Durocher diffusée en direct tous les jours à 15h18 sur QUB radio :
Un livre malgré les préjugés
Les deux femmes derrière No Filter ont dû s’habituer avant de raconter une belle histoire Derrière l’écriture de No Filter se cachent deux filles qui avaient de forts préjugés l’une contre l’autre. La journaliste Claudia Berthiaume a dû gagner la confiance de l’ex-détenu pour pouvoir représenter fidèlement l’histoire et s’imprégner de son langage. Le duo renversant s’est rencontré dans un salon de coiffure, où l’ex-mule Mélina Roberge a pris rendez-vous avec Claudia Berthiaume, sans savoir qu’elle travaillait pour Le Journal de Montréal. Sentant le potentiel de l’histoire, le journaliste espérait nouer en douceur un premier contact et voir où cela pourrait mener. Une fois, c’est la tête dans le lavabo que la journaliste d’investigation lui a avoué son métier, sous les grands yeux du coiffeur. « Peut-être que si tu me l’avais dit avant, je ne voudrais pas te coiffer. [Claudia] elle était extrêmement respectée », s’amuse Mélina Roberge, en sirotant son café glacé aux côtés de Claudia Berthiaume dans un petit restaurant du Quartier Dix30, à Brossard. De fil en aiguille, l’idée d’écrire un livre a germé dans la tête de l’ex-détenue, qui elle-même a contacté sa nouvelle cliente pour en discuter. …