C’est le système des anciens partis politiques qui a alimenté le Front national pendant tant d’années. #JT20H pic.twitter.com/RHNi2uhLPD — Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 25 avril 2017 Près de six ans plus tard, le revirement est spectaculaire. En marche !, rebaptisée La République en marche (LREM), s’invite à la Renaissance le samedi 17 septembre, lors d’une conférence au Caroussel du Louvre. Les militants devraient, sauf surprise, adopter la nouvelle organisation proposée par le chef de file des macronistes au Parlement européen, Stéphane Séjourné, futur successeur de Stanislas Guerini, l’actuel patron de LREM. Une nouvelle organisation qui n’envisage ni plus ni moins que d’adopter le format d’un parti classique, avec des militants qui paieront des cotisations et ne pourront plus adhérer à un autre parti politique. “L’ancien monde était bon !” s’amuse Nicolas, responsable d’un comité LREM en Corrèze. “On apprend de ce qui n’a pas très bien marché ces dernières années”, préfère dire Astrid Panosyan-Bouvet, députée parisienne et co-fondatrice d’En Marche !. “On ne va pas révolutionner la chose, c’est un pas de plus”, souligne un cadre LREM. « Ne vous méprenez pas : à partir du moment où nous avons remporté l’élection présidentielle, nous nous sommes institutionnalisés et sommes devenus un parti politique au pouvoir. Un décor Renaissance chez franceinfo Restait donc à inscrire ce changement de pied faisant de la mouvance présidentielle un véritable parti politique. Une transformation nécessaire pour la plupart des députés LREM interrogés par franceinfo, mais à laquelle certains ne croient pas. Ou plus. Il faut dire que le mouvement a perdu de sa superbe. Sur le papier, elle revendique 420 000 membres. En fait, ils sont dix fois moins susceptibles d’être actifs. Seules 26 000 personnes participeront au vote sur le nouveau statut. François Patria, le chef de file des macronistes au Sénat, avait dénoncé un parti “clicker” en son temps. Il suffit de parcourir le site internet qui regroupe les différentes commissions locales LREM pour s’en rendre compte. Beaucoup sont abandonnés. “Les comités ont complètement explosé, on en avait une quinzaine, on n’en a qu’un actif, c’est complètement mourant”, déplore Hervé, un militant du Cantal. “On est avec trois ou quatre personnes d’autres structures locales, ce n’est pas spécialement intéressant”, abonde Jules*, co-animateur d’un comité sur la façade atlantique. Floris, animateur dans le Calvados, évoque aussi le Covid et les mauvaises décisions des dirigeants pour expliquer la perturbation de l’élan du mouvement au niveau local. “Quand la machine a dû être remise en marche, ça a été compliqué. Le mouvement parisien, très concentré, a voulu reprendre la main en cherchant à établir des contacts directs entre les adhérents et le siège”, raconte-t-il. “Ils ont contourné la structure départementale et cela a vidé les comités locaux de leur essence.” Floris, responsable du comité de Calvantos chez franceinfo Floris n’est pas le seul à dénoncer un mouvement très “vertical” où les décisions se prennent à Paris. Tout le monde en parle. “On a souffert d’un peu trop de parisianisme sur nos territoires”, assure Nicolas de Corrèze. “La promesse de Macron était de prendre le pouls du terrain et de remonter le moral. On a fait le contraire de ça, c’est impressionnant”, souffle Jules. En fait, d’après son expérience, la promesse de discuter d’idées a considérablement diminué. “On a fait des ateliers qui ont tracé la nation, c’était impoli. C’était fait par des technocrates et ils ont dû s’adapter pour que le monde les comprenne. Rien n’en est sorti.” Jules, président d’une commission LREM chez franceinfo Ce manque de présence locale et de structures organisées sur le terrain est en partie responsable des mauvais résultats du macronisme aux élections municipales ou d’arrondissement et régionales. Les militants ont également eu la désagréable surprise de voir émerger des réflexes politiques sous le contrôle des apparatchiks. “L’équipe de Macron avait promis de faire de la politique autrement, et on est vite retombé dans les habitudes de l’ancienne politique”, note un ancien député de la majorité défait en juin. “En Corrèze, on est retourné dans l’ancien monde, avec des gens qui ne voulaient pas lâcher prise et s’accrochaient au pouvoir”, raconte Nicolas. Bien conscients de ces failles, les pontes macronistes promettent que la nouvelle organisation du parti permettra de mieux écouter les régions, les adhérents versant donc une cotisation – dont le montant sera déterminé par le futur règlement intérieur – et les élus locaux disposant de plus Ressources. “L’idée, c’est que Renaissance est le parti le plus décentralisé de la Ve République. On est dans un rétablissement”, assure le mouvement. Un changement de cap largement salué. “Je fais partie des ‘marcheurs’ de la première heure qui ne cessent de supplier pour que le mouvement devienne un parti. Le but est de se muscler pour pouvoir affronter des partis structurés”, explique Bertrand Mas-Fraissinet, service rapport des Bouches-du – Rhône. “On bouge !, c’était très séduisant, mais ça a montré ses limites, on ne peut plus aller plus loin”, décrit Christian, responsable d’un comité dans la Creuse. “C’était bien d’inventer autre chose. Mais quand ça ne marche pas comme on veut, il faut savoir y revenir.” Christian, responsable d’une commission LREM en Creuse chez franceinfo Le nouveau parti verra également le retour de la figure d’Emmanuel Macron, qui a étonnamment pris ses distances avec le mouvement qu’il a créé. Il sera président d’honneur de Renaissance. “C’est un acte très puissant pour les militants de terrain, qui avaient intériorisé ce sentiment d’aliénation vis-à-vis du président”, se réjouit Bertrand Mas-Fraisinet. Un retour loin d’être renaissance du président visera avant tout la préparation post-Macron. En 2027, l’actuel chef de l’Etat ne pourra plus se représenter puisque la Constitution l’interdit. En nommant parmi les secrétaires généraux des poids lourds du gouvernement comme Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, restés à l’écart des affaires LREM, Macron espère éviter une guerre de chefs et contrôler la très délicate succession du président de la République. . Un pari dont seul l’avenir dira s’il est gagnant. En attendant, si les militants saluent donc la transformation de leur mouvement, l’effervescence est tout sauf débordante. “Je suis réaliste, je fais avec ce qu’on nous donne. Il y avait un besoin, on verra comment on gère tout ça”, confie Floris. Mais une poignée d’autres n’y croient plus, comme Hervé, dans le Calvandos. “Ils pensent que c’est bien de changer de nom et de renouveler la charte, mais le mal va plus loin que ça. C’est une épée dans l’eau.” Hervé, militant dans le Calvados chez franceinfo Cet homme d’affaires ne doit pas frapper à la porte de la Renaissance comme Jules s’apprête à le faire. Membre d’Horizons, il a choisi le parti d’Edouard Philippe – “moins de fantaisie mais plus de réalisme et d’efficacité” – puisqu’il ne pourra plus appartenir aux deux formations politiques. “Je ne donnerai plus d’énergie à cette aventure. En 2016, Emmanuel Macron a écrit la ‘Révolution’ et il ne s’est presque rien passé au niveau du parti”, plaide Jules, qui décrit ses deux années à la tête d’un comité comme “beaucoup peine pour pas grand-chose.” Chrétien, il restera bien à la Renaissance. Alors qu’il se demande ce qu’il adviendra de son petit comité que lui et d’autres tentent de “maintenir”. “Si, avec la Renaissance, on peut se structurer, c’est bien. On va faire un travail militant comme tous les autres partis.” Pour la formation présidentielle, ce sera alors une nouvelle page, qui sera très similaire à ce qu’Emmanuel Macron voulait réformer il y a six ans.

  • Le nom a été changé à la demande de la personne concernée.