Posté à 7h00
                Louis-Samuel Perron La Presse             

“Il y a une expression en anglais : Take the money and run”, a commencé le juge Salvatore Mascia, lorsque son avocat Robin Dupuis a commencé à contester la proposition de peine conjointe que les parties n’avaient pas encore présentée. “Moi aussi, je m’attendais à un autre chiffre”, a claqué le juge. À trois reprises, le juge a fait savoir à Robin Dupuis la légèreté de sa proposition de peine de huit mois de prison. “C’est la peine minimale. On aurait pu facilement me proposer un tarif beaucoup plus élevé », a-t-il insisté. Mais comme cette proposition, qui se situe en « bas de l’échelle », n’est pas « déraisonnable », le juge l’a approuvée. Une décision de la Cour suprême de 2016 oblige les juges à approuver presque toutes les requêtes conjointes. PHOTO DU SITE WEB DE L’UQAM Robin Dupuis Robin Dupuis est chargé de cours à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM depuis janvier 2004, selon sa biographie publiée sur le site Web de l’UQAM. Le profil de son professeur, qui était toujours en ligne dans la journée de vendredi même s’il n’enseigne plus à l’Université, avait disparu du site le soir. « L’UQAM prend très au sérieux les allégations contre M. Dupuis et des mesures ont été prises dans ce dossier. Je vous informe que ce dernier ne donne pas de cours à partir de l’hiver 2021″, a commenté Jenny Desrochers, directrice des communications à l’UQAM. Des accusations de production et de possession de pornographie juvénile ont été déposées en octobre 2018. Membre fondateur du collectif Perte de signal, Robin Dupuis se spécialise en arts médiatiques depuis les années 2000. Cependant, il n’est pas une figure de proue du milieu des arts visuels. “L’artiste s’attache à créer des constructions précises, des environnements faits de toutes pièces et des explorations qui profitent des possibilités de la plateforme numérique”, peut-on lire sur le site de l’UQAM.

“Les fantasmes fantastiques” ne sont pas sans victimes

L’artiste montréalais de 49 ans a plaidé coupable en octobre dernier à une accusation moins grave de possession de pornographie juvénile, qui a été déposée sommairement. Les faits précis pour lesquels il a plaidé coupable n’ont pas été précisés lors de la détermination de la peine. L’avocat de la défense Me René Labrosse a dit en résumé que Robin Dupuis avait créé des “avatars” sur un “site spécialisé”. Le procureur Me Jérôme Laflamme a cité le “modus operandi” de Robin Dupuis comme un “facteur aggravant”. “Il crée plusieurs profils dans l’application, alimente et déclenche des conversations et la transmission de messages, de fichiers, par l’intermédiaire des personnes qui avaient cette préférence [sexuelle] “, il expliqua. Pour justifier une peine aussi clémente, Me Laflamme a fait valoir le caractère sommaire de l’accusation, le « faible » risque de récidive du prévenu et des signalements « positifs ». Me Labrosse a tenu des propos surprenants lors de l’audience, soulignant qu’il ne faut pas « oublier qu’il n’y a pas eu de victimes ». “C’était plus au niveau de la fantaisie”, a-t-il ajouté. Le juge Mascia n’a pas réagi à ces propos. Pourtant, la jurisprudence est claire sur cette question : la pédopornographie n’est jamais un crime sans victime. Des dizaines de décisions rendues au Québec au cours des dernières années dans des affaires de même nature le confirment. « C’est probablement tellement évident qu’il est presque inutile de le rappeler, mais les crimes liés à la pornographie juvénile ne sont pas des crimes sans victime », écrivait le juge de la Cour de justice du Québec Serge Champoux en janvier 2022. « Cette activité permet d’entretenir et d’alimenter des fantasmes déviants. Cela donne l’impression de rendre acceptable l’inacceptable », insistait le juge Alexandre Dalmau en 2018. Le défendeur était également représenté par Me Michael Morena.