Posté à 6h30

Pour y parvenir, j’ai adopté deux perspectives comparatives : les engagements budgétaires des partis — principalement les dépenses publiques — et le niveau des transferts aux particuliers1. Résultats ? Dans le coin sombre à gauche, Québec solidaire (QS) promet de dépenser 13,2 milliards de dollars de plus annuellement à la fin d’un éventuel mandat. À l’autre bout du spectre, le Parti conservateur du Québec (PCQ) prévoit de dépenser seulement… 345 millions. Le vide est abyssal. Entre les deux, il y a notamment les deux partis réputés plutôt centristes — la Coalition avenir Québec (CAQ) et le Parti libéral du Québec (PLQ) — qui comptent dépenser annuellement presque autant que leurs promesses (2 milliards ) lorsqu’elles seront pleinement mises en œuvre en 2026-2027. Avec Québec solidaire, il y aura une injection massive de nouveaux fonds annuels pour toutes les causes sociales : égalité femmes-hommes (140 millions), congés supplémentaires (190 millions), frais de scolarité réduits (260 millions), logement social (490 millions), assurance dentaire ( 790 millions), tout y passe. A cela s’ajoutent la transition écologique et les transports en commun à moitié prix (2 milliards). Grand total pour l’année 2026-2027 uniquement : 13,2 milliards. Le Parti québécois (PQ) dispose également d’une mine de nouvelles dépenses (10,4 milliards de dollars pour 2026-2027), mais les deux tiers sont concentrés sur trois projets : les soins à domicile pour les personnes âgées (3 milliards de dollars), la transition verte (2,9 milliards de dollars). ) et logement social (926 millions). CAQ et PLQ affichent des coûts similaires aux autres, mais avec des moyens plus limités. Par exemple, les deux partis dépenseront respectivement 200 millions et 350 millions supplémentaires pour le logement social ou abordable en 2026-2027, soit deux à trois fois moins que le PQ et le QS. Et toutes leurs mesures avoisinent les 2 milliards par an. À l’autre bout du spectre, les seules nouvelles dépenses qui trouvent grâce aux yeux du PCQ — qui veut alléger la présence de l’État — concernent le recrutement policier (81 millions) et l’ajout de médecins et d’infirmières. (165 millions), essentiellement. Maintenant, qu’en est-il des transferts privés, ma deuxième perspective pour déterminer où se situent les partis sur l’axe gauche-droite ? Dans le coin sombre à droite se trouve le Parti conservateur, qui prévoit de restituer 8,1 milliards de dollars par an aux particuliers après la fin d’un mandat potentiel en 2026-2027. Dans le coin gauche, PQ et QS rapportent environ 2 milliards chacun aux contribuables en 2026-2027. Le PCQ prévoit des baisses d’impôts (6,1 milliards de dollars), qui toucheraient davantage la classe moyenne de manière disproportionnée, mais aussi une augmentation du crédit d’impôt pour travailleurs qualifiés (1,2 milliard de dollars), entre autres. Le parti de Dominique Anglade n’est pas en reste, avec un total de 6,4 milliards de virements par an (estimés pour 2026-2027). Un tiers va aux baisses d’impôt pour la classe moyenne, un autre tiers va aux aînés et le reste à diverses mesures. La CAQ vise essentiellement la même clientèle, mais à un niveau inférieur (3,5 milliards). De son côté, le PQ cible essentiellement les travailleurs de 60 ans et plus (1,6 milliard), et le QS veut avant tout augmenter le bien-être social (1,3 milliard).

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A première vue, les partis n’affichent pas de gros déficits résultant de leurs promesses. En fait, ils sont souvent différents. Pourquoi ? Parce que les partis politiques ont trouvé des moyens astucieux d’enregistrer des revenus ou de déduire des dépenses qui embellissent l’image. Prévisions manquantes pour les risques économiques (PQ, PLQ, CAQ), les revenus augmentés par le PIB gonflé (PCQ, CAQ) et les effets indirects des mesures (PQ) : tous ces éléments rendent les comparaisons difficiles, notamment pour le solde budgétaire et la dette. Il est possible que ces mesures aient de réels résultats, mais parce qu’elles sont très incertaines et imprécises, il a été demandé aux organisations politiques d’éviter de telles manœuvres, qui embellissent la situation2. J’ai corrigé ces effets pour obtenir un portrait plus propre3. Après cette correction, PLQ et PQ ont les déficits les plus importants, suivis de CAQ. À l’autre extrémité du spectre se trouve le Parti conservateur, qui aurait un gros surplus de 7,1 milliards de dollars avant de verser au Fonds des générations, malgré ses importantes baisses d’impôt. Même remarque sur la dette : en redressant les finances, on voit que la dette brute du Québec gonflera, à terme, de 54 à 59 milliards sous CAQ, PLQ et PQ, et de 68 milliards sous QS. Seul le PCQ maintiendrait une croissance de la dette similaire au rapport préélectoral (augmentation de 22 milliards). En faisant cette juste comparaison entre les partis, force est de conclure qu’aucun des quatre partis politiques ne serait en mesure de réduire significativement la dette brute sous le seuil de 42,1% du PIB au 31 mars 2022. Cette dette serait de 41,8 % du PIB en cinq ans sous PLQ et CAQ, 42,5 % sous PQ et 44 % sous QS. Ce serait bien loin des 37 % prédits par le rapport préélectoral ou le PCQ. Les surplus du parti d’Éric Duhaime, qui permettent une importante baisse d’impôts et une stabilité de la dette, s’expliquent par des mesures assez radicales. On parle de coupes budgétaires à répétition de 1,8 milliard, auxquelles s’ajoutent une baisse de 4,4 milliards des aides aux entreprises et la suppression des subventions aux véhicules électriques (880 millions). En fin de compte, les dépenses du PCQ n’augmenteraient que de 17 % sur cinq ans, soit à peu près l’inflation. Les coûts des soins de santé augmentant beaucoup plus rapidement que l’inflation en raison du vieillissement, des tensions avec les syndicats sont attendues. En comparaison, le rapport pré-électoral prévoit une augmentation de 25% des dépenses, ce qui correspond à 10,6 milliards supplémentaires. Quant à Québec solidaire, le surplus prévu d’environ 500 millions de dollars en 2026-2027, selon mes comparaisons, s’explique par des hausses massives d’impôts. QS imposerait les plus riches (4,5 milliards de plus par an) ainsi que les entreprises (4,6 milliards). La dette augmentera malgré un budget équilibré en raison de la suspension des versements au Fonds des générations (5,2 milliards de dollars par année) et d’une hausse du Plan québécois des infrastructures. Le parti de Gabriel Nadeau-Dubois m’a assuré qu’il n’avait pas surestimé les rentrées de fonds provenant des hausses d’impôts, qu’il avait tenu compte du comportement des contribuables et donc des fuites fiscales. Mais le mystère demeure : quel serait l’effet combiné de toutes ces hausses d’impôts sur les fuites fiscales ? Que feraient les contribuables les plus riches, souvent les plus productifs de la société, s’ils voyaient que leurs revenus étaient imposés au taux marginal le plus élevé de 57,6 % – de loin le taux le plus élevé des pays industrialisés – et que les gains en capital étaient imposés à 100 %, que leur richesse dépasse 1 million de dollars (35 % d’impôt) ? Quel serait l’impact sur les entreprises, sachant que les actionnaires ne paient qu’une fraction des nouveaux impôts prélevés, selon les études, et que la majeure partie est répercutée sur les travailleurs via la baisse des salaires ou des prix des produits (ce qui pourrait inciter les clients à acheter ailleurs) ;

  1. J’ai retiré des dépenses tous les éléments qui biaisent l’appréciation de la position des parties sur l’axe gauche-droite. Par exemple, trois partis déflatent leurs dépenses en budgétisant des économies budgétaires incertaines. Tous les postes servant à financer de nouvelles dépenses ou des transferts aux particuliers (hausses d’impôts, effets revenus des mesures, lutte contre le travail au noir, etc.) ont également été coupés.
  2. La demande a été faite par la Chaire de fiscalité et de finances publiques de l’Université de Sherbrooke et l’Association des économistes du Québec.
  3. Pour une explication des ajustements, voir les notes sur divers tableaux et graphiques.