Ils avaient prévenu qu’ils défieraient l’interdiction. Des milliers de membres de la communauté LGBTQ+ ont défilé samedi 17 septembre à Belgrade, sous haute protection policière, malgré l’annulation de la marche Europride par les autorités.
Le défilé lui-même, censé être le point d’orgue de cet événement paneuropéen organisé chaque année dans une ville différente, s’est déroulé sans incident notable. Cependant, selon les médias locaux, des affrontements ont opposé la police à des contre-manifestants.
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La Première ministre serbe Ana Brnabic, ouvertement lesbienne, a annoncé samedi que 64 personnes avaient été arrêtées et 10 policiers blessés, se disant “fière” que la journée se soit terminée “sans incidents graves”.
Le ministère serbe de l’Intérieur a interdit la marche mardi, invoquant des problèmes de sécurité, alors que des groupes d’extrême droite menaçaient d’organiser leurs propres manifestations après une série de rassemblements anti-Pride dans la capitale.
Les manifestants ont néanmoins pu marcher quelques centaines de mètres sous la pluie entre le Conseil constitutionnel et un parc voisin, un trajet bien plus court que ce que la marche des fiertés avait initialement prévu. Le ministre de l’Intérieur Alexander Vulin a assuré que l’interdiction avait été appliquée et qu’elle concernait les personnes qui “accompagnaient un concert”.
Le mariage gay a été interdit en Serbie
D’importants policiers anti-émeutes avaient été déployés autour du rassemblement et repoussé de petits groupes de contre-manifestants brandissant des croix et des insignes religieux, selon des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP). Le ministère de l’Intérieur avait également interdit les contre-manifestations, mais les utilisateurs des forums de discussion d’extrême droite avaient juré de protester contre Pride.
Selon la chaîne de télévision N1, il y a eu des affrontements entre la police et des contre-manifestants, ces derniers ont lancé des fumigènes sur les forces de l’ordre, dont de nombreux véhicules ont été endommagés. Des reporters de l’AFP ont vu plusieurs contre-manifestants interpellés.
Une importante force de police avait été déployée le long de la marche des fiertés, initialement interdite par les autorités. A Belgrade, le 17 septembre 2022. OLIVER BUNIC / AFP Des contre-manifestants se rassemblent devant une église orthodoxe, lors de la marche de l’Europride, à Belgrade, le 17 septembre 2022. ANDREJ ISAKOVIC / AFP
Le mariage homosexuel n’est pas légal dans ce pays balkanique de moins de 7 millions d’habitants, où l’homophobie est profondément enracinée malgré les progrès contre les discriminations. “Il s’agit de bien plus que de la gay pride. Nous nous battons pour l’avenir de ce pays”, a résumé Luka Majadi Jovicević, un manifestant serbe.
“J’ai été à beaucoup de Prides, mais celle-ci est un peu plus stressante que les autres”, a déclaré la mannequin et militante Yasmin Benoit. « Je viens du Royaume-Uni, où tout le monde est plus uni et où c’est plus commercial (…). Mais ici, il faut vraiment que ce soit une Pride », a-t-elle ajouté, faisant référence à la lutte sociale au début du mouvement.
Pressions internationales
L’interdiction de la marche avait provoqué un tollé parmi les ONG de défense des droits. C’est une “tradition honteuse et une sanctification tacite de l’intolérance et des menaces de violence illégale”, selon Graeme Reid, directeur du programme des droits LGBTQ+ à Human Rights Watch.
La Serbie subit d’intenses pressions internationales : plus de 20 ambassades, dont celles des Etats-Unis, de France, d’Allemagne et du Japon, l’avaient appelée dans un communiqué commun à revenir sur sa décision.
La Serbie est candidate à l’adhésion à l’UE depuis une décennie, mais les États membres ont exprimé des inquiétudes quant à son bilan en matière de droits de l’homme au fil des ans. Au moins quinze membres du Parlement européen ont pris part à la Pride samedi pour montrer leur solidarité.
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Les marches des fiertés de 2001 puis de 2010 avaient été ciblées par l’extrême droite et entachées de violences. Depuis 2014, Pride se déroule sans incidents notables, mais sous haute protection policière.
Le week-end dernier, des milliers de personnes, gangs de motards, prêtres orthodoxes et nationalistes d’extrême droite, sont descendus dans la rue pour demander l’annulation du défilé.
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Le monde avec l’AFP