L’amas de galaxies SMACS 0723 vu par Webb (à gauche) et Hubble (à droite). Photo : NASA/ESA Commençons par rappeler que la photo correspond à une toute petite partie du ciel de l’hémisphère sud située dans la constellation du Poisson Volant. C’est comme tendre un petit grain de sable entre deux doigts vers le ciel, rappelle André Grandchamps. L’instantané montre l’amas de galaxies SMACS 0723. Les galaxies qui composent cet amas se trouvent vers le centre de l’image et prennent l’apparence de cercles blanchâtres flous avec une certaine nébulosité en niveaux de gris autour d’eux, note l’astrophysicien. Les galaxies de l’amas correspondent aux taches blanches floues, dont certaines des plus brillantes se trouvent au centre de l’image. Photo : NASA/ASC/ESA Il ne faut pas les confondre avec les étoiles au premier plan de l’image. Les corps célestes représentés entourés de six lignes bleues sont des étoiles de notre galaxie qui se trouvent dans notre champ de vision, entre l’amas et nous, note M. Grandchamps. Les étoiles de notre galaxie sont dans notre champ de vision, entre l’amas et nous. Photo : NASA/ESA/ASC “Si ces étoiles de la Voie lactée sont à quelques dizaines de milliers d’années-lumière, les galaxies de l’amas sont beaucoup plus éloignées, à environ 4,6 milliards d’années-lumière de la Terre. » — Une citation d’André Grandchamps, astrophysicien au Planétarium Rio Tinto Alcan La lumière renvoyée par ces galaxies a donc été émise peu avant la formation de notre planète.
Un cluster comme une loupe
La masse massive de l’amas déforme l’espace-temps qui l’entoure. Cet effet de lentille gravitationnelle amplifie la lumière émise par les galaxies les plus éloignées derrière lui. Ils apparaissent sur l’image sous forme de taches orange plus foncées, souvent étirées, autour de l’amas. Gros plan d’une galaxie lointaine entourée de deux galaxies dans l’amas SMACS 0723. Photo : NASA/ASC/ESA “Vous avez un bel exemple de cela sur la droite lorsque vous allez en haut de l’image. Les deux points blancs sont deux amas de galaxies. Le genre de crête orange aplatie entre les deux est une galaxie lointaine. » — Une citation d’André Grandchamps, astrophysicien au Planétarium RioTinto Alcan La distance à cette crête orange n’est pas encore connue, mais plusieurs galaxies derrière l’amas se situent entre 11 et 13 milliards d’années-lumière de la Terre. La plupart des petites galaxies orange sont très éloignées. La distance de l’un d’eux, qui n’est pratiquement pas visible sur l’image complète, est estimée à 13,1 milliards d’années-lumière. Le point orange en bas à gauche du centre correspond à une galaxie située à 13,1 milliards d’années-lumière. Photo : NASA/ESA/ASC M. Grandchamps ajoute que les tout petits points oranges ne sont pas forcément les plus éloignés. Ils peuvent également appartenir à des objets intrinsèquement petits. Pour savoir si un objet est trop loin, il faut l’évaluer. L’instrument canadien NIRISS (Near-Infrared Slitless Imaging and Spectrograph) permet d’étudier les objets célestes afin de déterminer leur composition, mais aussi de mesurer leur distance. En décomposant la lumière émise par un objet céleste à l’aide de la spectroscopie, il est possible de connaître sa composition et sa distance. C’est que chaque élément chimique de l’Univers a des caractéristiques différentes, une sorte d’empreinte chimique. Par exemple, les caractéristiques de l’hydrogène sont différentes de celles de l’hélium et du lithium, explique Grandchamps. L’effet de lentille peut parfois créer un effet miroir. Le phénomène est observable à gauche et à droite de l’amas central. Il est possible de voir chacune des galaxies deux fois, formant des arcs lumineux. De plus, l’image Webb révèle clairement leurs noyaux brillants remplis d’étoiles, ainsi que les amas d’étoiles orange le long de leurs bords. Ces arcs sont des images miroir de la même galaxie. L’arc lumineux à gauche de la ligne bleue centrale (image originale) a été émis il y a 9,3 milliards d’années. Photo : NASA/ESA/ASC Les deux lignes orange aplaties superposées en bas de l’image ont la même signature spectrale, elles ont donc les mêmes compositions chimiques. Ils appartiennent probablement à la même galaxie, note André Grandchamps Il est également possible de voir une galaxie parsemée d’amas d’étoiles. elle est proche de l’extrémité de la ligne verticale bleutée de l’étoile centrale, à droite d’un long arc orange. Vous pouvez voir des poches d’étoiles en formation réfléchies de haut en bas. La tache de galaxie apparaît au centre de l’image. Photo : NASA/ESA/ASC Le champ profond révèle également de nombreux types de galaxies, comme une galaxie spirale, visible à droite de l’image originale. Cette galaxie est de type spirale, comme notre Voie Lactée. Photo : NASA/ESA/ASC
jalons
C’est le président américain Joe Biden qui a dévoilé l’image désormais historique lors d’un événement organisé le 11 juillet à la Maison Blanche, six mois après la mise en orbite de James Webb. Le James Webb Deep Field est le huitième du genre à être publié depuis 1995. C’est le télescope Hubble qui rend l’exploit du premier champ profond. L’instrument en a pris quatre autres, dont le dernier (un champ extrêmement profond) date de 2012. Les autres champs profonds ont été pris à l’aide du Chandra (1999) et du Very Large Telescope de l’Observatoire européen austral (2012).
Encore plus proche du big bang
Le Webb Deep Field montre le même amas d’étoiles que celui vu dans le télescope Hubble. “C’est totalement volontaire car nous voulions comparer les deux télescopes. Avec seulement 12 heures d’exposition, Webb a obtenu une aussi bonne image d’objets très éloignés que Hubble l’a fait en 100 heures. On peut maintenant rêver des résultats qu’aura le télescope Webb avec le même temps de pose ! » — Une citation d’André Grandchamps, astrophysicien au Planétarium RioTinto Alcan Les capacités techniques de Webb nous permettraient de remonter dans le temps et, peut-être, de voir les premières galaxies et étoiles qui se sont formées entre 500 000 et un milliard d’années après la grande explosion formatrice de l’Univers. Nous n’avons jamais eu d’instruments qui nous permettaient d’espérer les voir, maintenant c’est possible. On sait qu’ils sont apparus un jour car nous sommes là aujourd’hui, s’enthousiasme André Grandchamps. Il utilise ce parallèle pour illustrer le travail que les scientifiques veulent faire : imaginez des extraterrestres arrivant sur Terre et ne rencontrant que des humains adultes. Ils se demanderont d’où nous venons ! Ils finiront par trouver une garderie et une maternelle et comprendront notre évolution. Trouver la pépinière d’étoiles (primordiale) est quelque chose sur lequel Webb travaille. Il est certain que nous voyons plus d’étoiles et de galaxies adultes car elles passent plus de temps de leur évolution à leur vie “adulte”.