Nathalie (à gauche) et Rachel (à droite) tiennent un portrait de la reine Elizabeth II face à l’abbaye de Westminster à Londres, Royaume-Uni, le 17 septembre 2022. (PIERRE-LOUIS CARON / FRANCEINFO) “Dès que nous avons su que la reine était partie, nous avons rapidement tout emballé pour notre voyage à Londres”, se souvient Nathalie, son amie, qui l’avait accompagnée depuis les Cornouailles, à cinq heures de route de la capitale britannique. Sa chaise est toute neuve, une étiquette de magasin de sport encore attachée dessus. “C’est assez confortable pour dormir”, disent les deux femmes qui ont pris place à 5 heures du matin le samedi 17 septembre. Malgré les 8°C prévus pour la nuit à Londres ces jours-ci, ce camping de fortune ne leur pose pas trop de problème. « Nous étions déjà venus pour les mariages princiers, ainsi que le jubilé de la Reine [en juin 2022]», raconte Rachel, qui se décrit comme une « grande fan de la couronne ». Lors de ces événements, elle a déjà dû attendre de nombreuses heures pour voir les membres de la famille royale. “Nos amis pensent que nous sommes fous, mais ils sont toujours très curieux de savoir comment ça se passe.” Rachel, britannique de Cornouailles chez franceinfo Pour montrer son soutien aux Royals, comme on les appelle en anglais, Rachel a décoré les barrières de sécurité avec des drapeaux et des fleurs en papier. “C’est avant tout une famille qui a perdu un être cher”, rappelle-t-il. Sa tenue du jour J, “un subtil ensemble noir”, est déjà prête, glissée au fond de son sac. Un peu plus loin sur le trottoir, Michelle et sa fille sont assises en tailleur sur un matelas de camping orange. Ils se reposent après un long voyage organisé. Les quarante sont en fait venus de l’Oregon (nord-ouest des États-Unis), distant de 8 000 kilomètres, pour assister aux célébrations. Elle tient sa passion pour la couronne britannique de sa mère, qui fait également partie du voyage. “Quand j’étais petite, on se levait à 2h du matin pour regarder les événements royaux à la télé, se souvient-elle. Nous préparons ce voyage depuis quelques années, car nous doutions que le prochain rendez-vous soit malheureusement la mort de la reine.” Pour faire face à des températures inférieures à 10°C la nuit, Michelle a acheté des matelas et des sacs de couchage épais. (PIERRE-LOUIS CARON / FRANCEINFO) Par sa présence à la cérémonie, Michelle souhaite avant tout rendre hommage à la figure incarnée à ses yeux par Elizabeth II. “Je suis venue saluer un modèle de grâce mais surtout de stabilité”, explique-t-elle en évoquant les 70 ans de règne du défunt monarque. La présence de trois Américains à ce bout de trottoir surprend les supporters de la couronne, qui échangent avec les visiteurs. “Ils nous expliquent beaucoup de mœurs et de coutumes britanniques, c’est super, surtout pour ma fille”, sourit Michelle. “Aux États-Unis, notre histoire est récente et nos dirigeants changent très souvent. La reine avait ce rôle particulier, c’était une sorte de jalon.” Michelle, une citoyenne américaine venue à Londres chez franceinfo Avec ses voisins de week-end, Michelle peut discuter “pendant des heures”, y compris à la manière d’Elizabeth II. “Elle a assumé son rôle et a géré les événements, aussi graves soient-ils, avec beaucoup de calme et en toute humilité”, conviennent les campeurs. Seule la mort de la princesse Diana, affaire sensible pour Elizabeth II, divise le pavé par ailleurs très paisible. “Elle lui a rendu hommage en public, c’est du passé”, balaye une sexagénaire assise à quelques mètres de Michelle et de sa fille. “Plus simplement, ce qu’on veut, c’est lui dire au revoir”, conclut l’Américain. Loin de la conversation de la famille royale, Nigel, 58 ans, patiente sous son chapeau, signé d’un très sobre ‘Great Britain’. Ce Londonien, employé dans le secteur de l’audiovisuel, souhaitait vivre en personne les funérailles d’Elizabeth II. Accompagné de sa tante, il s’est installé aux premières heures du samedi matin, tout près de l’abbaye de Westminster, avant d’être emmené par la police. “La police nous a dit qu’il n’y aurait pas de problème ici, mais j’ai peur que la marche ne passe pas par ce coin de la place”, confie-t-il, l’air inquiet. C’est pourquoi nous sommes prêts à bouger, si nécessaire.” Nigel, 58 ans, devant la place du Parlement, enfermé par la police à Londres (Royaume-Uni), le 17 septembre 2022. (PIERRE-LOUIS CARON / FRANCEINFO) Passer plus de deux jours derrière les barreaux ne dérange pas Nigel, qui y voit une double opportunité : saluer la reine et assister à un événement d’importance internationale. “J’admirais Elizabeth II, c’était quelqu’un qui bénéficiait d’une grande sagesse”, résume-t-il. Pendant la crise du Covid-19, il nous avait encouragés, par exemple, en citant des souvenirs de la Seconde Guerre mondiale.” Pour lui, le style de feu la reine explique en grande partie l’intérêt mondial pour ses funérailles. “Regardez en France, notre perte a été votre perte”, lance-t-il, évoquant l’attachement particulier des Français à Sa Majesté. Alors que la police de tout le Royaume-Uni verrouille la place du Parlement et la ville de Westminster, Nigel se prépare pour un moment unique dans sa vie. “C’est simple, de mon vivant, je ne verrai jamais un plus grand événement historique, répète-t-il. Avec les funérailles de la Reine, on tourne un peu plus la page du XXe siècle.” A quelques mètres de là, un journaliste japonais filme le plateau. “Les caméras du monde sont braquées sur Londres, et je suis là, au milieu”, sourit-il. En attendant lundi matin, Nigel compte sur sa veste polaire, son sac étanche et une devise britannique de sa propre fabrication : “Keep calm and carry on”. En anglais : “Keep calm and continue”.