Posté à 5h00
                Isabelle Dubé La Presse             

Donner sa maison à son enfant

Le scénario

Jean-Guy et Murielle vivent avec leur fils Philippe, qui gagne le salaire minimum. Ils prévoient de lui transférer la maison sans hypothèque dès maintenant, car ils veulent vivre avec leur fils le plus longtemps possible et Philippe finira par s’occuper d’eux. Le deuxième fils aura une compensation pécuniaire après le décès du deuxième parent. « Même avant la pandémie, cette question revenait régulièrement : ‘Est-ce que j’ai intérêt à déménager tout de suite ?’ Les gens pensent que s’ils attendent de mourir, ils auront de l’impôt à payer », observe le notaire François Bernier, directeur de la planification fiscale et successorale pour l’Est du Canada chez Placements mondiaux Sun Life. « D’un point de vue purement fiscal, quand on parle de lois fiscales, il n’y a aucune incitation à donner ou à vendre de son vivant vos biens immobiliers à vos enfants », poursuit François Bernier. Que les parents donnent la maison, la vendent à un tiers ou la lèguent après leur décès, il en va de même pour la plus-value résultant de l’appréciation de la valeur de la maison. Il n’y a pas de taxe à payer car c’est la résidence principale. Patricia Besner, notaire et fiscaliste, vice-présidente stratégies fiscales et relève chez Desjardins Gestion de patrimoine Si les parents restent propriétaires de la maison mais la laissent habiter et que l’enfant continue d’y habiter, l’exemption pour résidence principale s’applique toujours.

Perte de crédits d’impôt

Le notaire et fiscaliste François Archambault, directeur du Centre d’expertise Patrimoine privé de la Banque Nationale en 1859, et son confrère Francis Brault, fiscaliste et planificateur financier, ont vérifié tous les crédits d’impôt pour les personnes âgées de 65 à 70 ans. En transférant le titre à un enfant, les parents perdent le crédit fédéral pour l’abordabilité d’un logement, explique Francis Brault. Le maximum est de 1250 $. Les parents pourraient également perdre la subvention aux personnes âgées liée à la hausse des taxes d’habitation. Cette subvention pouvant atteindre 500 $, accordée aux propriétaires de 65 ans et plus dont le revenu familial est de 54 000 $ ou moins, est en place depuis 15 ans. En ce qui concerne le crédit provincial pour le soutien à domicile des personnes âgées et le crédit pour les dépenses qu’une personne âgée engage pour maintenir son autonomie, les parents ne la perdent pas en devenant locataire.

Avons-nous les moyens de donner ou de recevoir ?

Hormis le désir d’aider un enfant qui s’occupera des parents en retour et de réduire le stress potentiel lié au transfert de propriété à l’occasion du décès des parents, il n’y a aucune bonne raison fiscale de donner son logement. . en vie, disent des experts consultés par La Presse. « Est-ce qu’on tient pour acquis qu’on donne la résidence, parce qu’on n’a plus besoin de l’immeuble, mais qu’on a besoin de sa valeur pour financer nos frais de subsistance? », explique le notaire et fiscaliste François Archambault. Si c’est le cas, ce n’est évidemment pas une bonne idée de donner votre maison. » François Archambault rappelle que le principal actif du patrimoine des Québécois n’est pas le REER, mais la maison. Pour certains, c’est même leur plan de retraite. PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE Patricia Besner, notaire et fiscaliste, vice-présidente stratégies fiscales et relève chez Desjardins Gestion de patrimoine C’est bien d’avoir une maison en cadeau, mais encore faut-il que l’enfant ait les moyens de payer les taxes, le chauffage, l’entretien et les rénovations majeures. Patricia Besner, notaire et fiscaliste Nous devons nous mettre d’accord sur qui les paiera, prévient-il. Les parents ou l’enfant sont-ils commis de dépanneur? Quand l’harmonie s’en va, tout s’en va. Le notaire François Bernier conseille de “prévoir le pire”. « Si je donne la maison, aurai-je encore le droit d’y rester ? Le contrat de donation ou de vente doit prévoir un droit de séjour pour le donateur. » « Si mon enfant décide de me jeter dehors et que je n’ai pas protégé mon droit de vivre sur la propriété, il aurait le droit de le faire. » Un parent doit-il payer un loyer à son enfant ? Qui paiera pour le câble et Internet? “Je dois réfléchir à ce que je veux vivre en tant que donateur de richesse pour mon enfant”, prévient François Bernier.

Pour économiser un loyer en CHSLD

Le scénario

Nathalie et André élaborent un plan pour que Juliette, leur mère de 88 ans, n’ait pas à payer la totalité du loyer en CHSLD. Juliette donnera à Nathalie sa maison et ses investissements à André de son vivant. Cette stratégie est souvent citée par les clients des experts consultés par La Presse. Une stratégie peu judicieuse, selon eux. Appauvrir une personne vulnérable n’est pas une bonne idée. Tout d’abord, qui connaît sa date d’entrée en CHSLD ? L’aîné doit être déshabillé deux ans avant l’entrée pour que le plan fonctionne. Ensuite, si l’aînée renonce à sa maison et a plus de 2 500 $ d’investissements, le plan échoue. Si elle donne toutes ses économies mais perçoit un revenu de retraite de son ancien employeur, le projet échoue également. PHOTO DE FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE François Bernier, directeur de la planification fiscale et successorale pour l’Est du Canada chez Placements mondiaux Sun Life En planification financière, fait-on des gens se constituer des fonds pour couvrir leurs frais de subsistance au cours de leur vie, puis à la fin de leur vie, on les dépouillerait de leurs avoirs pour obtenir une réduction des cotisations en CHSLD? En tant que notaire, je me bats avec ce concept. François Bernier, Placements mondiaux Sun Life “Les gens font le calcul, si on ne fait rien avec le coût du loyer, on n’aura plus rien en héritage”, observe François Archambault. Mais la personne n’est pas morte, elle a ses besoins. Ce n’est pas parce qu’une personne ne peut plus vivre dans son logement, elle n’aura plus de vie sociale et cela a un coût. » “Si j’appauvris la personne et qu’elle veut aller chez le coiffeur, s’habiller, aller au restaurant, voir des spectacles, elle devra demander de l’argent à ses enfants, poursuit-elle. Tout ça pour avoir le loyer le moins cher ? »

L’égalité entre les enfants

Le scénario

Veuf, Daniel veut donner sa maison à son fils Luc, qui a choisi une vie nomade sans profession fixe, tandis que sa sœur Ève est médecin et son frère Stéphane, dentiste. Daniel n’a pas prévu d’héritage pour Ève et Stéphane, car ils n’en ont pas besoin. “Bien sûr le parent peut décider de donner la maison à l’enfant qui en prendra soin ou à celui qui en aura besoin. Pourtant, c’est une affaire qu’il vaut mieux régler de son vivant, car ce sera une polémique après sa mort”, prévient Patricia Besner. Le sentiment d’injustice est un enjeu crucial en planification successorale qu’il ne faut pas prendre à la légère. « Si je ne donne qu’un seul des enfants, les autres seront-ils très heureux ? Comment vais-je les indemniser ? Vous devez y penser. Elle peut faire l’objet d’un conflit familial important », souligne François Bernier. PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE François Archambault, notaire et fiscaliste, directeur du Centre d’expertise en gestion privée de patrimoine de la Banque Nationale en 1859 Certains parents soutiennent que le pédiatre n’est pas nécessaire. Mais cet enfant a choisi d’aller dans l’enseignement supérieur et le parent décide alors de favoriser celui qui a traîné des pieds. François Archambault, notaire et fiscaliste, directeur du Centre d’expertise…