Posté à 18h00
                Sylvain Sarrazin La Presse             

De ses débuts dans Super Mario Kart à ses études en architecture, de ses titres mondiaux dans Counter-Strike à sa carrière de développeur dans des studios, en passant par des collaborations et des interventions avec de grandes entreprises ou des spectacles (elle a remporté Big Brother Célébrités), la Québécoise connu sous le surnom de missharvey n’est pas du genre à appuyer sur Pause. En collaboration avec l’auteure Joanie Godin, elle retrace son parcours de gameuse à l’esprit d’acier et de femme aux mille projets, tout en mettant en perspective les enjeux de l’industrie du jeu vidéo et du numérique, rappelant qu’y naviguer en tant que femme peut être un vrai chemin de croix (directionnel). PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE Stéphanie Harvey “Ce livre est un projet de longue haleine pour dissiper les mythes entourant les jeux vidéo, sensibiliser les gens à mon métier, rassurer les parents, mais aussi faire passer un message sur la cyber-citoyenneté”, explique Stéphanie Harvey, quintuple double championne du monde dans le célèbre jeu de tir à la première personne Counter-Strike. Elle a donc profité de la rédaction de Misharvey pour présenter son modèle des ‘4C’ (cyberexdiction, cybersécurité, cyberharcèlement et cyber-bien-être), tout en esquissant des solutions telles qu’un meilleur encadrement et une meilleure formation face à ce défi particulier du 21e siècle. Alors quelle serait sa première loi à présenter, si elle était nommée ministre du Numérique ? « Il s’agirait certainement de créer une sorte de formation obligatoire à la cyber-citoyenneté pour tous les salariés de la fonction publique, qu’ils pourraient à leur tour diffuser. Aujourd’hui, le problème, c’est que Monsieur et Madame ont peu ou pas de soutien, à l’école ou en entreprise”, souligne-t-il.

Une longue lutte

Racontant son ascension dans le monde du jeu vidéo, Harvey raconte comment ses ambitions ont souvent été poursuivies contre vents et marées, dans des milieux où les hommes commandent et se permettent largement de le faire sur le dos des femmes : commentaires misogynes, touchants, sous-entendus impuissance… Après trois vagues de #metoo, dont la dernière a secoué le géant Ubisoft, studio pour lequel le champion a déjà travaillé, les mentalités ont-elles enfin changé ? « Ça n’avance pas aussi vite que je l’aurais espéré. Je suis dans le métier depuis 20 ans et nous commençons à peine à voir les choses changer. » Avec le mouvement #metoo pendant la pandémie, les choses ont vraiment bougé à une vitesse vertigineuse, ce qui est une bonne nouvelle pour l’industrie du jeu vidéo. Nous essayons de casser ce genre de mentalité “frère”, mais ce n’est pas simplement en changeant les gens, il y a beaucoup de travail à faire. Stéphanie Harvey

Cotisation payée

Notant que les jeux vidéo sont consommés de manière égale par les hommes et les femmes au Canada, elle demande que cette parité soit inculquée dans les studios de développement et les esports, ce qui, selon elle, profiterait à tout le monde. « Il y a un énorme marché si vous vous souciez de la diversité. Non seulement c’est la bonne chose à faire, mais c’est aussi quelque chose qui générera plus de revenus pour les personnes impliquées : tout le monde y gagnerait », estime-t-il. Qu’en est-il des changements d’écran ? A-t-elle l’impression de voir plus d’héroïnes et moins de personnages féminins stéréotypés apparaître dans les titres de joueurs populaires ? Et là, le mammouth du jeu vidéo tarde à réagir. « L’offre est de plus en plus différente, observe Stéphanie Harvey, mais c’est un peu comme ce qu’on a vu au cinéma ou à la télévision, où il y a eu une évolution culturelle et artistique de l’offre. Dans les jeux vidéo, nous sommes encore adolescents à ce niveau, mais certains studios et certains jeux font la différence », dit-il, citant en exemple la société de jeux qui a développé Flower and Journey.

Portrait pixelisé

– Jeu du moment : Satisfying, un jeu de construction et d’exploitation de ressources sur une planète extraterrestre – Son héroïne préférée : son cœur oscille entre Faith de Mirror’s Edge et Commander Shepard, version féminine dans Mass Effect – Sa plateforme de jeu vidéo préférée : l’ordinateur – Son réseau social préféré : Instagram – L’exploit dont elle est la plus fière : sa Coupe du monde en 2012, un vrai challenge dans un nouveau jeu Misharvey, joueur et fier de l’être Stéphanie Harvey en collaboration avec Joanie Godin Publications de l’homme 248pages