Qu’est-il arrivé ? Le 14 décembre 2017, il était peu après 16 heures lorsqu’un violent affrontement a eu lieu à un passage à niveau, très redouté par les habitants, à Myla. Un TER, reliant Perpignan à Villefranche-de-Conflent, a violemment percuté un car scolaire, qui ramenait une vingtaine d’enfants chez eux dans des villages environnants. Dans l’accident de la circulation, le véhicule a été coupé en deux, car la collision était violente. Six étudiants mourront et dix-sept autres seront blessés, avec un ITT allant de 2 à 180 jours. Que dit le chauffeur du bus ? Dès ses premières auditions, la conductrice, qui sera jugée à Marseille pour “l’homicide involontaire” de six élèves et les blessures involontaires de huit autres, a assuré que les barrières étaient ouvertes lorsque son bus s’est approché du passage à niveau. “Jamais elle n’aurait franchi une barrière abaissée”, avait déclaré en février dernier son avocat, Jean Codognès, qui n’avait pas répondu aux sollicitations de 20 Minutes, en annonçant sa saisine du tribunal correctionnel. En mai 2019, dans un rapport du Bureau d’enquête sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT), l’accusée affirme qu’elle “n’a pas vu de barrière”, ni n’a “ressenti d’impact” avec son véhicule. C’est la clé du procès : les barrières étaient-elles ouvertes ou fermées ? La SNCF, pour sa part, a toujours veillé au parfait fonctionnement du passage à niveau. Selon les enquêteurs, le conducteur du train aurait forcé “la demi-barrière fermée du passage à niveau en question alors qu’un train express régional arrivait”. “La cause immédiate de cet accident est le non-arrêt du bus au passage à niveau malgré les feux rouges clignotants et la barrière qui l’imposait”, lit-on dans le rapport du BEA-TT qui estime cependant que “le chauffeur du bus n’a pas pas réalisé que le passage à niveau fermait, notamment en raison de la configuration défavorable des locaux ». L’état psychologique de l’accusé devrait également être au centre des discussions. Au cours de l’enquête, le fait qu’il prenait des médicaments lors de l’accident a également été soulevé. Qu’attendent les familles des victimes ? La formation était super. Les familles des victimes attendent fébrilement ce procès depuis quatre ans et demi. “Ça fait très, très longtemps pour eux”, a déclaré à 20 Minutes Corine Serfati-Chetrit, avocate des familles des étudiants tués dans l’accident. “Ils n’ont pas pleuré. Ils ne pouvaient pas continuer. Ils sont figés dans ce drame. Ces familles espèrent qu’il y aura « une officialisation de la situation, que la vérité judiciaire sera établie ». “Après le 7 octobre [le dernier jour du procès], ils pourront tourner la page. Parce que pendant que le processus judiciaire est en cours, nous en reparlerons bien sûr. » Les familles “attendent que la responsabilité soit enfin rétablie”, explique sa collègue Vanessa Brandone, également avocate des familles d’enfants décédés. Même si en ce qui concerne mes parties civiles, elles n’ont aucun doute sur la responsabilité du chauffeur de bus. Ils veulent “enfin” faire la lumière sur cet accident. Pour, poursuit l’avocat, “pour pouvoir avancer”. Lors d’une cérémonie d’hommage aux victimes de l’accident de Millas, le 20 décembre 2017. – PASCAL RODRIGUEZ Comment va se dérouler ce procès géant ? Ce procès a été qualifié de “procès extraordinaire” par le ministère de la Justice. Et, en effet, à bien des égards, il l’est. Il y a d’abord le nombre de partis politiques recensés pour le moment : pas moins de 123. Un nombre qui pourrait conduire à une augmentation, selon le parquet de Marseille, à mesure que de nouvelles demandes ont été reçues pour la formation de partis politiques. . . Après quatre ans d’enquête et plusieurs dizaines de tonnes de procédures, la 6e section pénale du tribunal de Marseille va tenter de faire la lumière sur cette énorme affaire pendant près de trois semaines. C’est en effet cette juridiction qui est spécialisée dans les affaires de grand nombre et exige le transfert du procès à la salle d’audience extraordinaire de la Caserne du Muy, récemment construite au centre de la ville de Marseille. Six intérimaires ont été embauchés spécialement pour l’occasion. Trois d’entre eux seront affectés à l’enregistrement des parties civiles, un à l’audience et à l’écoute, un autre au traitement de l’indemnisation et un dernier à la manipulation de la caméra à l’intérieur de la salle d’audience. En effet, en parallèle, le procès sera retransmis dans une salle de 200 places spécialement louée à cet effet au Palais des Congrès de Perpignan. « La complexité de cette affaire est d’aboutir devant la juridiction de la juridiction de Marseille en matière d’accidents collectifs avec la nécessité d’une justice de proximité. » Quel accompagnement pour les victimes ? Deux associations, Aide Victimes Actes Délinquants (Avad), à Marseille, et France Victimes 66, à Perpignan, œuvrent depuis plusieurs mois pour soutenir les victimes et les autres partis politiques. “Nous avons d’abord travaillé en amont du procès, raconte la directrice d’Avad à Marseille, Marie Guillaume, à travers la diffusion d’un questionnaire au mois de mars envoyé par les avocats des partis politiques pour avoir leurs intentions. Par exemple, nous leur avons demandé s’ils voulaient voir le procès à Marseille et à quelle fréquence. Nous avons eu une cinquantaine de réponses, ce qui nous permet d’avoir une certaine tendance et donc d’ajuster le système qui a été mis en place. Suite à ce questionnaire, nous avons établi des contacts avec certains partis politiques. Les appels téléphoniques aux familles des victimes se sont en effet multipliés depuis le mois dernier, afin d’être informés de l’organisation du procès, d’être aidés dans leurs déplacements ou d’être informés des indemnisations. Pendant le procès, un à deux psychologues et un à deux avocats seront en permanence à la disposition des justiciables à Marseille. Tout a été pensé pour faciliter leur venue, du partenariat avec un restaurant administratif interministériel à proximité, pour se restaurer rapidement et à moindre coût, au parking habituellement attribué au Département des Armées pour faciliter le stationnement. Sans oublier le guide du citoyen qui comprend plans, listes d’hôtels et autres informations nécessaires à leur arrivée. Certains jours, des chiens dressés pour aider les victimes à parler seront également présents.