32, c’est le nombre d’années qui séparent le premier épisode de Monkey Island d’un troisième volet que personne ne s’attendait à voir. pas même son co-créateur Ron Gilbert, qui sans vergogne et pendant une décennie a supplié un Disney méfiant de lui vendre poliment sa licence chérie. Enfin invité à développer une suite au deuxième épisode qu’il avait bouclé dans un twist monumental avant de dire au revoir à LucasArt, le grand prêtre des jeux d’aventure y exerce avec la liberté créative revendiquée : « C’était quelque chose de très important pour moi : si j’avais pour faire ce jeu, je dois le faire comme je veux.” Avec Dave Grossman, l’autre scénariste, et un petit nouveau : Rex Crowle (directeur artistique du projet), ils ont créé Return to Monkey Island. Y a-t-il des spoilers dans ce test ? Dans le premier paragraphe de ce test, vous trouverez des indices sur le contexte du premier chapitre et les personnages présents. Cependant, aucun détail sur le script n’est donné.

Je suis Guybrush Threepwood, un pirate honoraire !

“Je suis Guybrush Threepwood, un pirate honoraire !” : Depuis ces premiers mots prononcés par Guybrush en 1990, rien n’a vraiment changé. LeChuck reste l’antagoniste fidèle, Elaine l’épouse aimante et Mêlée Island est toujours le point de départ d’une épopée pleine d’humour et de dizaines d’anachronismes. Ottis, Stan, le cuisinier, la sorcière vaudou : ils sont également présents dans le village dont les couleurs sont directement issues de la palette de The Secret of Monkey Island. Clins d’œil et références à peine esquissées parcourent les quatre coins de l’île pour satisfaire les joueurs affamés depuis des décennies et leur valoir de tendres sourires. Alors si un scrapbook disponible dans le menu propose une petite représentation des aventures passées, force est d’admettre que les nouveaux venus se sentiront un peu déboussolés. Il sera donc plus sage pour eux de finir les deux (excellents) premiers matchs avant d’attaquer celui-ci. La pièce maîtresse de ce beau tableau de nostalgie est la musique. Les trois compositeurs originaux Clint Bajakian, Michaël Land et Peter McConnell reviennent, chargés de répondre à une simple consigne de Gilbert : “Make Monkey Island music” (voir notre entretien avec Ron Gilbert). Une demande exécutée avec une grande précision, tant et si bien que les airs rappellent de bons souvenirs du passé et donnent du corps à l’histoire (également rehaussée par l’excellent doublage). La plupart d’entre eux sont interprétés en direct par des musiciens ou un orchestre. De plus, le titre ne reste heureusement pas calfeutré dans la boîte du fan service et s’ouvre à mi-chemin sur une histoire plus originale. l’équilibre est en fait tout à fait raisonnable. Vous aurez votre juste part de nouveaux personnages farfelus à rencontrer, renforcés par une écriture brillante avec un humour toujours implacable et intelligent. Return to Monkey Island est une aventure passionnante pour ses situations absurdes et son bon rythme du début à la fin. Il y a quand même quelque chose qui a beaucoup changé : la direction artistique. En effet, difficile de revenir légitimement sur les rendus pixel des années 1990 ou d’adopter le look des remasters des premiers épisodes. La progression graphique de Return to Monkey Island semble parfaitement logique, voire naturelle. Ici, certains reconnaîtront la touche unique de Rex Crowle, qui travaillait déjà sur Tearaway. Le choix est intelligent, non seulement parce qu’il inscrit la licence sur un axe moderne, mais aussi parce qu’il respecte très bien l’aura pétillante de la saga. Bien sûr, le changement est si radical qu’il ne fera guère l’unanimité. Gilbert nous a dit quelques jours avant la sortie, “on ne peut pas faire quelque chose qui plaise à tout le monde, c’est impossible”.

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Outre ces images qui ont toujours été proches du dessin animé, un nouveau paramètre semble également arrêter le jeu dans un registre plus familial : la difficulté. En mode normal, les énigmes s’adressent à un public relativement novice et sont trop basiques pour un habitué du genre plutôt invité à emprunter la voie du mode difficile. Ce dernier est plus généreux en énigmes et donc en réflexion et représente une toute autre expérience que nous ne pouvons que recommander. La complexité des énigmes suit une belle courbe de progression, même si elle semble stagner un peu en dessous de ce qu’on nous a proposé par le passé. Enfin, le joueur ne se sent jamais piégé par une énigme bloquante et a droit à un système d’indice très astucieux qui fonctionne de manière incrémentale : si ce petit indice ne vous suffit pas, en voici un plus gros, et ainsi de suite. Plus généralement, l’aventure a des objectifs clairs, atteints grâce à des énigmes qui propulsent bien l’histoire et dont les solutions font sens, même lorsqu’elles servent des quêtes plutôt lunaires (comme on les aime) : faire un concours de rots pour gagner un poisson ou trouver la recette pour un plat “avec des ingrédients”. Le jeu vous épargne aussi un fléau du point’n click classique : les combinaisons improbables que vous devez faire dans votre inventaire avant de trouver la bonne. Ici, vous évitez les dialogues paresseux du type “euh… je ne pense pas que ça marche” grâce à une icône en forme de croix qui vous indique à l’avance si un objet peut ou non être placé avec un autre. Aussi, les contrôles sont minimalistes, le joueur se contente simplement d’actions prédéfinies affectées aux clics gauche et droit de sa souris. A noter que le parcours est tout aussi agréable sur manette tant les développeurs ont vraiment pris soin de délivrer une belle expérience console. le personnage se déplace avec le stick pour interagir facilement avec son environnement. Une très agréable surprise. En ce sens, le confort et l’absence de frustration du joueur est l’une des priorités de cette expérience ergonomique affranchie des manipulations laborieuses du passé. Ron Gilbert plaidait déjà pour cette nécessité dans un manifeste de 1984 intitulé “Why Adventure Games Suck”: “L’Américain moyen passe la plupart de ses journées enfermé au bureau, la dernière chose qu’il veut faire est de rentrer chez lui et de partir.” pour se détendre et se divertir ».

conclusion

Points forts

Une écriture qui fait mouche Un bon équilibre entre nostalgie et innovation La bande son géniale Une direction artistique qui marche très bien Puzzles avec des solutions logiques Une aventure bien rythmée Expérience très ergonomique et commandes modernes Durée de conservation correcte (10 heures) Très bien adapté au contrôleur

Points faibles

Une difficulté qui peut prendre du temps à régler

Sa touche graphique a beau avoir radicalement changé (à juste titre), la saga Monkey Island conserve dans cet épisode toute son aura lumineuse et impertinente, grâce notamment à une écriture toujours aussi maligne et une bande son vraiment fantastique. Return to Monkey Island est une aventure fraîche et moderne qui trouve un bon équilibre entre nostalgie et innovation. —

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